ÉPILOGUE
Étrange Aubrac, jadis non-lieu touristique par excellence alliant le Rien au Vent, qui à présent draine des foules : romiu, caminaïre rebalaïre ou… festaïre qui viennent ici, certains avec ferveur, renouer avec l’ Aube des Temps, étancher leur dépaysement exotique ou leur soif d’infini afin d’oublier un instant les bruits du monde et de l’immonde.
Comment rendre «l’infinisterre» en photographie ? Certainement pas en abusant des panoramiques.
Ici comme là bas dans les déserts de sable, il est faux de dire ou penser que rien n’arrête la vue. «L’Accident» : le rocher, l’arbre, le masuc, la vache, le piquet de clôture, le régiment de conifères, le nuage, vient happer l’oeil, rompre la monotonie et rajouter de l’harmonie à la ligne horizontale. Il est urgent de composer avec. Et c’est un pur régal, ici. Et le photographe brûle d’envie d’exalter cet éloge du peu, du suffisant, du presque rien, même parfois.
Cet espace à la croisée des vents est changeant à souhait. Vingt fois vous irez traîner au lac saint Andéol et vous en rapporterez des lumières nouvelles, des douceurs ou des contrastes nouveaux, des limpidités ou des nébulosités insolites, des couleurs et nuances inédites… Cent fois vous photographierez la Reine d’Aubrac et son pelage passera du rose miel doux de l’aube, au fauve abrupt du couchant …
Je dirai que cette flânerie est très différente de celle de nos habituels voyages marqués par une intense avidité à voir, saisir, capter qui mobilise l’esprit et entretient la vigilance et la promptitude : un empressement gourmand à dépayser sa curiosité, son étonnement, sa jouissance… (d’où notre terreur des voyages organisés qui ont – par définition – banni l’imprévu, l’implanifié)
Ici, pas d’appétit farouche. Ne rien accélérer, ne rien forcer, ne rien contraindre, laisser le regard s’imprégner d’herbe, de fleurs, de neige, de nuages, de rocs, de brume, sans compter la discrète rougeur de l’aube. Et pour tout dire, les plus riches photos adviennent en ces moments là.
Ce qu’on souhaite à l’Aubrac ? C’est que le Marketing Management (terme qui ne cesse d’inquiéter 🤪) n’étouffe pas l’esprit qui souffle là-haut ! Allez flâner et rêver en Aubrac, haut lieu de zenitude, c’est moins cher que la Mongolie, ou l’Ashram de « Amma » Matha Amrithanandamayi ! vous y économiserez moultes séances de yoga, de sophrologie, thérapies diverses, méditation transcendentale ou… pas etc. vous y échapperez à la dictature de l’activisme (consenti, il est vrai 🤪) et à la tyrannie de l’agenda de travail. Là où la criaillerie stridente des réseaux s’estompe enfin !
Et vous rencontrerez des vaches philosophes et attentives, à l’oeil immense habité par l’azur, des fermiers, zen aussi… quand d’aventure quelques technocrates vilatous acharnés ne les emmm… pas.
PS : Une manière d’excuse pourrait être présentée aux puristes de la lenga d’Oc (Si ! Si ! Il en est là-bas près de La Bastide l’Evêque !) pour ma transcription d’icelle. Mon « patois » d’Oc est celui de ma mémé Gabrielle et de mon tonton Honoré, donc, totalement phonétique. A noter que ni l’un ni l’autre n’avait appris à écrire. Et j’avoue que je ne retrouvais pas dans la graphie orthodoxe et officielle, l’accent chaud et roulant d’enfance rurale. Et je ne pouvais non plus graphier tous ces termes en API sans apparaître comme un lamentable grimaud. Aussi ai-je opté pour la graphie la plus proche de mon «patois» oral et… VRAI !