Ce projet est destiné à prolonger, élargir, amplifier, tout en les rendant plus souples, les livraisons antérieures d’ « Un Été avec les BOUBY » dont certains ont été destinataires.
Deux volets, deux pôles :
1- un Carnet de Voyage Illustré, conduit par une flânerie insatiable et une avidité gourmande d’Inconnu et de Beau, alimenté régulièrement .
2- une Galerie de Photos où viendront peu à peu, et régulièrement se déposer des photos d’Ici et d’Ailleurs. D’Ailleurs surtout. Plus de 50 ans de photographie, ça laisse des traces !
Première rencontre avec les kettuvallam, de kettu (lier) et vallam (bateau) en malayalam, la maison flottante composée d’une coque en planches de bois ( toujours liées avec de la fibre de coco ) et d’un toit de paille de riz.
Alappuzha. Organisée autour de la rivière Pamba, au centre de la toile de tout un réseau aussi inextricable que dense de chemins d’eau aux berges droites. Parallèle à la Mer d’Arabie qui vient lécher toute sa plage à l’Ouest.
Nous logeons là à droite sous les frondaisons, au bord de cette berge de la rivière Manimala, dans ce quartier confortable et pépère. Un hâvre de paix à peine cisaillée par les cris d’oiseaux en plein paradis.
Magnifique, la maison de famille qui nous accueille. Dans la tradition des belles et riches demeures de bois luisant et chaud et… romantique à souhait. Heritage Home, qu’ils disent… Demeure historique. Emerald Isle.
En tous cas nous serons hyperprotégés par le Crucifix, Saint Michel terrassant le Dragon, ainsi que Jésus, « I trust in You » à droite, ce qui nous rappelle que le Kerala, abrite une importante population de chrétiens (20 % de la population locale) depuis l’Antiquité : Saint Thomas, l’un des apôtres du Christ, (Oui, oui ! L’Incrédule ! ) est considéré comme le fondateur de la religion en Inde en l’an 52 de notre ère.
Nous voilà repartis sur les chemins d’eau, avec un plus gros véhicule, plus pétaradant et puant mais lent à souhait …
Et la magie de ce sublime travelling reprend, les rives de droite et de gauche se déroulent paresseusement sous nos yeux. Première impression : l’omniprésence des cocotiers brassant le ciel bleu ! Et puis les maisonnettes colorées défilent avec souvent une belle embarcation amarrée. Le photographe hypnotisé les yeux humides d’émerveillement va sans cesse de bâbord à tribord, de tribord à bâbord, tentant de capturer une scène nouvelle, un nouveau détail qui a accroché son oeil dans la fugacité de ces rives mouvantes qui se dissolvent lentement. Pour renaître plus loin, autres. Joie immense !
Le Rivage de la baie
Le siège du parti communiste et son mât à la Faucille & Marteau nous rappelle que depuis 1957 le PC est arrivé au pouvoir dans cet état, et par les urnes svp ! Et dans une Inde capable de tous les syncrétismes, ça ne dérange personne ici d’honorer Karl Marx, Friedrich Engels et Krishna, huitième avatar du dieu Vishnou… En «même temps »🤪
Nous voici à présent sur la rivière Pamba, large, animée, parcourue par les « vaporetti» locaux. La troisième plus longue rivière du Kerala, avec à son l’embouchure, la ville côtière de Purakkad, ancienne ville portuaire de Barace centre important du commerce dans l’océan Indien qui apparaît dans les anciens récits de voyage grecs et romains écrit vers 50 de notre ère.
Quelques beaux édifices, quelques églises plutôt spectaculaires et tout sauf banales ! Éventés par les hautes palmes et se mirant dans l’eau.
Église saint Joseph (Syro-Malabar Catholic Church) quartier Chennamkari. A noter à la cime, la croix ditede saint Thomas, érigée au cœur d’une fleur de lotus, avec ses trois extrémités lobées. Une colombe (image du Saint-Esprit) touche de son bec l’extrémité supérieure de la croix.
Et le magnifique kodimaram (mât de drapeau)
Traditionnellement fabriqué en laiton, ce mât orné est certes utilisé pour hisser les drapeaux et bannières religieux mais, représentation emblématique de la foi, il symbolise le lien entre le monde terrestre et le monde divin.
Et voici l’église saint Thomas dont la présence et le rite atteste de l’histoire complexe de la christianisation du Kerala… bien antérieure à la nôtre.
🔎 La tradition de saint Thomas, auteur d’un évangile qui ne rapporte que les paroles du Jésus-Christ, sans le moindre narratif (il comporte 114 «logia» (pluriel de logion) ou paroles de Jésus-Christ), déclaré illico presto apocryphe par l’église de Rome, donc disqualifié et pas seulement puisque fut ordonnée sa destruction totale au IVè siècle : il devait être bien dérangeant pour la Doxa officielle catholique ! Patatras, un exemplaire complet fut retrouvé par hasard dans une jarre par des paysans en 1945 en Haute Egypte : Pâquedieu ! les desseins de Dieu sont impénétrables 🤪. On suppose cet évangile de saint Thomas… antérieur aux évangiles canoniques patentés ! Donc doublement dérangeant car témoignage d’un christianisme très ancien, et… qui n’a pas subi les « corrections » des évangiles canoniques et donc jamais mis en conformité, lui… 🤪
Cependant avant même l’ère du Christ, le roi Salomon de la Bible commerçait avec le Kerala par le port de Tyr et les splendeurs renommées de Salomon et de son temple, or, argent, ivoire, bois de santal, pierres précieuses et autres lui arrivaient du lointain Kerala par les navires phéniciens de Tyr.
Et des milliers de juifs avaient émigré au Kerala pour y commercer et établir des marchés.
Or donc, Thomas l’Apôtre s’en vint ici prêcher la religion christique et développa une importante communauté chrétienne en Inde du Sud d’autant plus rapidement que certains souverains se convertirent.
Cependant, la « voie de Saint Thomas» est différente de celle de Saint Pierre et les chrétiens utilisent la langue syriaque pour leurs rites sacrés (un dialecte issu de l’araméen, la langue parlée par le Christ). Et quand les Portugais s’installèrent, Rome tenta bien entendu de mettre au pas et dans « la bonne voie » cette église de Malabar de langue syriaque déclarée fissa « hérétique » et joignant comme à l’accoutumée le geste à la parole, procéda à des interdictions, destructions, emprisonnements et … finit par établir l’Inquisition. Divin !
Ceci pour dire qu’aujourd’hui la Chrétienté du Kerala n’est pas homogène puisque si certains ont rallié la Tradition de Rome, d’autres ont conservé mordicus la Tradition de Saint Thomas, c’estl’église « Syro-Malabar Catholic »
On s’arrête au Saint Kuriakose Elias Chavara House et descendons, pour une petite marche à l’intérieur sur la Chavara Bhavan Rd, un chemin de terre dans la campagne fort sympathique et animé qui s’enfonce entre rizières et palmiers.
Et là ! Tout au bout, dans le petit village de Kainakary, voici le sanctuaire de Chavara Bhavan, avec la cabane rudimentaire (prétendument originelle) de Saint Kuriakose Elias Chavara, un prêtre catholique et réformateur social qui a vécu au XIXè siècle.
Après quelques miracles bien sentis : guérison instantané d’un pied bot et d’un strabisme congénital, entre autres, il est canonisé par le pape François en novembre 2014. Ce lieu saint, objet de pèlerinage, centre spirituel, un peu musée, est aussi une école.
Départ matinal en pirogue sur ces belles étendues calmes à peine frémissantes de quelques paillettes de lumière naissante, sur leur front serré de palmiers taiseux.
Nous voici au Fragrant Nature Retreat and Resort chambre 304 à Kollam à 2 heures de route de l’aéroport de Thiruvananthapuram où nous avons atterri en pleine nuit au Kerala. Dans un parc charmant, boisé, au bord de la rive parmi cocotiers, frangipaniers, végétation luxuriante, cygnes… Bref, cet air de Tropiques bien connu au fond de nous dont le goût se réveille instantanément.
Étrange Aubrac, jadis non-lieu touristique par excellence alliant le Rien au Vent, qui à présent draine des foules :romiu, caminaïre rebalaïre ou… festaïre qui viennent ici, certains avec ferveur, renouer avec l’ Aube des Temps, étancher leur dépaysement exotique ou leur soif d’infini afin d’oublier un instant les bruits du monde et de l’immonde.
Comment rendre «l’infinisterre» en photographie ? Certainement pas en abusant des panoramiques.
Ici comme là bas dans les déserts de sable, il est faux de dire ou penser que rien n’arrête la vue. «L’Accident» : le rocher, l’arbre, le masuc, la vache, le piquet de clôture, le régiment de conifères, le nuage, vient happer l’oeil, rompre la monotonie et rajouter de l’harmonie à la ligne horizontale. Il est urgent de composer avec. Et c’est un pur régal, ici. Et le photographe brûle d’envie d’exalter cet éloge du peu, du suffisant, du presque rien, même parfois.
Cet espace à la croisée des vents est changeant à souhait. Vingt fois vous irez traîner au lac saint Andéol et vous en rapporterez des lumières nouvelles, des douceurs ou des contrastes nouveaux, des limpidités ou des nébulosités insolites, des couleurs et nuances inédites… Cent fois vous photographierez la Reine d’Aubrac et son pelage passera du rose miel doux de l’aube, au fauve abrupt du couchant …
Je dirai que cette flânerie est très différente de celle de nos habituels voyages marqués par une intense avidité à voir, saisir, capter qui mobilise l’esprit et entretient la vigilance et la promptitude : un empressement gourmand à dépayser sa curiosité, son étonnement, sa jouissance… (d’où notre terreur des voyages organisés qui ont – par définition – banni l’imprévu, l’implanifié)
Ici, pas d’appétit farouche. Ne rien accélérer, ne rien forcer, ne rien contraindre, laisser le regard s’imprégner d’herbe, de fleurs, de neige, de nuages, de rocs, de brume, sans compter la discrète rougeur de l’aube. Et pour tout dire, les plus riches photos adviennent en ces moments là.
Ce qu’on souhaite à l’Aubrac ? C’est que le Marketing Management (terme qui ne cesse d’inquiéter 🤪) n’étouffe pas l’esprit qui souffle là-haut ! Allez flâner et rêver en Aubrac, haut lieu de zenitude, c’est moins cher que la Mongolie, ou l’Ashram de « Amma » Matha Amrithanandamayi ! vous y économiserez moultes séances de yoga, de sophrologie, thérapies diverses, méditation transcendentale ou… pas etc. vous y échapperez à la dictature de l’activisme (consenti, il est vrai 🤪) et à la tyrannie de l’agenda de travail. Là où la criaillerie stridente des réseaux s’estompe enfin !
Et vous rencontrerez des vaches philosophes et attentives, à l’oeil immense habité par l’azur, des fermiers, zen aussi… quand d’aventure quelques technocrates vilatous acharnés ne les emmm… pas.
PS : Une manière d’excuse pourrait être présentée aux puristes de la lenga d’Oc (Si ! Si ! Il en est là-bas près de La Bastide l’Evêque !) pour ma transcription d’icelle. Mon « patois » d’Oc est celui de ma mémé Gabrielle et de mon tonton Honoré, donc, totalement phonétique. A noter que ni l’un ni l’autre n’avait appris à écrire. Et j’avoue que je ne retrouvais pas dans la graphie orthodoxe et officielle, l’accent chaud et roulant d’enfance rurale. Et je ne pouvais non plus graphier tous ces termes en API sans apparaître comme un lamentable grimaud. Aussi ai-je opté pour la graphie la plus proche de mon «patois» oral et… VRAI !