Si par une nuit d’hiver… un VOYAGEUR
Si par une nuit d’hiver, un voyageur… pénètre en Aubrac sous un âpre brouillard, sombre et dru, transpercé par cette solitude opaque malmenée par des vents opiniâtres et exaspérants, le corps se crispe et l’âme s’inquiète…
Si la tourmente s’exaspère et qu’une fine neige poudreuse déchiquète en tournoyant la sombre masse des forêts …
(Tout ceci, bien sûr, si les infranchissables congères ont été repoussées en murailles latérales par les services du déneigement…)
C’est l’hiver que la solitude immense glissant sur tous ces mamelons enneigés frappe le promeneur. Dans les lueurs de l’aube, ces espaces taiseux et cet air lustral et sauvage vous enveloppent dans un silence de Chartreux purificateur, ces routes sombres qui sinuent vers la lumière tourmentée du levant sont une étrange invite vers l’incertain ténébreux. Énigmatique. Sollicitation à se simplifier ?
Mais le photographe se régale de ces graphismes, idéogrammes primitifs : la ligne des clôtures striant l’immaculé, la verticalité répétée de ces innombrables piquets, le triangle sombre des masucs, les silhouettes épurées des arbres en sommeil, la masse sombre et mouvante des horizons incertains…
Si par un matin d’hiver un voyageur… Si, de surcroît vous étiez alors pauvre pèlerin vers Compostelle dans la tourmente sur les hautes terres de la Voie Agrippa et que d’aventure des brigands féroces aux ordres du diable vous dépouillent et vous dépècent…
Alors vous retrouveriez la terrible atmosphère qui sévissait sur ces plateaux hostiles peuplés de seuls loups et sangliers, avant que ne soit élevée la Domerie d’Aubrac là-bas dans le brouillard aux lisières du réel.
C’est ainsi que l’histoire raconte que c’est vers 1108, qu’Adalard, bouteiller du comte de Flandre, (et non vicomte, comme on le lit partout ) faisant le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle, assailli par des brigands, sur les hauteurs de l’Aubrac, fit le vœu d’élever en ces lieux un monastère-hôpital pour les pèlerins… s’il en réchappait.
Tout simplement magnifique . Un rêve éveillé. Merci à mon photographe poète préféré qui me fait voir ce que je n ‘avais pas vu.
Merci, Jacques, de ce voyage merveilleux en terre d’Aubrac assaillie par l’hiver et ses brumes.
Un rêve éveillé, et pourtant si concret, qui comble ce manque de France qui me taraude depuis des décennies. Merci encore et mille bravos!