Châteaux en Pays de Loire 1

Préambule

                                Amis,

Voici donc revenu le temps de voyager avec nous, en Pays de Loire cette fois, notre seul vrai voyage au long cours en France. Mais en vérité, il inaugure à coup sûr pour nous (et pour vous !) un ère nouvelle post COVID de voyages de proximité, plus locaux. 2020 : Année Zéro du voyage où l’échelle planétaire si enivrante devient douloureusement … peau de chagrin hexagonale. Bon ! Circonscrit ne rime pas avec Borné. Délimité certes, mais point limité : dont acte.

Ces billets d’été étaient envoyés à la famille, aux amis et à ceux qui prennent quelque intérêt à nos personnes et … à leurs agissements. Pas question de ne vous livrer qu’un catalogue de cartes postales éparses. Quelqu’un, moi/nous est là derrière ces photos, ces textes, avec ses goûts, ses humeurs, ses appétits, sa gourmandise culturelle, ses contrepoisons, ses réactions, ses ressentis… et tous les échos intérieurs que réveillent et révèlent le Voyage.

Le Voyage se fera à bord de notre CARACOL, petit camping-car qui a remplacé depuis 3 ans notre beau vaisseau HDJ 100 : vieillesse oblige !

Pardon pour nos binettes, surtout celle de Doudoue (mon épouse préférée Françoise) qui apparaît ça et là, de loin en loin, la mienne étant collée à l’appareil : il faut bien que ses filles et ses petits enfants grands amateurs de selfies voient de temps en temps leur mamie… et, c’est mon seul modèle.

NB, Je regretterai toujours que certains d’entre vous s’obstinent à regarder mes photos sur un écran de téléphone quand je m’échine à produire pour vous de belles images à voir sur grand écran (il suffit de cliquer sur la photo) 😁

VALENÇAY  1

Comme d’habitude, les Bouby n’ébranlèrent leur CARACOL qu’à une heure fort tardive si bien qu’ils arrivèrent tranquillous à VALENÇAY (1ère étape) vers 19h30 par un magnifique soleil couchant. Notre couchage à nous fut immédiatement trouvé, à trois pas de la grille du château, la route à traverser. Aussitôt le p’tit vélo dégagé de la soute, reconnaissance du nouveau territoire et photos par très belle lumière. Bref le lendemain paraissait fort prometteur. Cependant impossible de trouver à cette heure, dans ce petit village trop tranquille, déjà endormi quasiment, la moindre bouteille de Valençay, AOC depuis 2003 et jadis à la table de l’Empereur !

Las ! Pluie, pluie, pluie toute la nuit. Pluie, pluie, pluie le matin. Pluie pluie, pluie toute la journée ! Bref vous ne verrez rien de l’immense parc de 53 ha, rien des jardins, rien de la forêt des princes, des grottes, des pièces d’eau. Pourquoi ? Parce que nous non plus!

© Jacques Bouby - château de Valençay
© Jacques Bouby – Valençay 1

C’est la famille d’Estampes qui éleva génération après génération ce splendide ensemble, en gros pendant trois siècles. Et ce n’était pas le domaine riquiqui d’aujourd’hui : 12000 ha ( et je ne me trompe pas de zéro ), plus de 100 fermes, des vignes, des champs, des forêts + le parc du château lui-même : 150 ha. Que des pauvres gens, en somme !

Et pourtant, oubliés, tous ceux-là ! Car, ce qui trouble, ici et fascine, c’est la présence presque palpable de Talleyrand. C’est lui qu’on vient ressentir ici, dans son chez-lui, son bureau, sa cuisine, sa cave, sa salle à manger, sa table ramenée du Congrès de Vienne « son dernier bal masqué du carnaval politique » comme il l’écrit.

 Ce type prince époustouflant, d’un discernement inégalé qui a traversé sans (gros) encombre l’Ancien Régime, la Révolution, le Consulat, l’Empire, la Restauration et la Monarchie de Juillet, qui a prêté successivement à tous les régimes qu’il a servi 14 serments, force le respect.

En 1803, Bonaparte propose à Talleyrand de racheter le domaine de Valençay : « Je veux que vous ayez une belle terre, que vous y receviez brillamment le corps diplomatique, les étrangers marquants… ». Pour y faire briller l’empire en somme.

Le prix en était faramineux, mais Napoléon B mit lui-même la main au portefeuille … de la France. Pensez, il venait de vendre la Louisiane. Et les chieurs qui veulent à toute force tout savoir des dépenses de l’état et de l’utilisation de l’argent public n’étaient pas nés !

© Jacques Bouby - Valençay, église
© Jacques Bouby – Valençay, église
©Jacques BOUBY église de Valençay
©Jacques BOUBY église de Valençay

C’est Talleyrand qui fit doter l’église d’un clocher original ( 5 clochers katsan cloches ), inspiré de celui de l’église Saint-Martin de Vevey en Suisse et que le Prince avait eu l’occasion d’admirer lors de son séjour sur les bords du lac Léman. Ceux qui ont grand écran peuvent zoomer : en haut, à droite, au bas du clocher, sous les gargouilles, on peut lire, gravé dans la pierre, « C’EST LE PRINCE DE TALLEYRAND QUI A FAIT ÉRIGER CE CLOCHER, L’ AN M D C C C X X X V I ».

©Jacques BOUBY, Clos du château de Valençay 
©Jacques BOUBY, Clos du château de Valençay

Le « Clos du château de Valençay ». Talleyrand s’est hautement intéressé au vin, et… aux Pots de vin d’ailleurs qu’il appelait aimablement « des douceurs diplomatiques ». Il était producteur sur 10 hectares sur le coteau même que vous voyez là, au ras du château.

Et voici quelques photos bien mouillées (!) adoucissant les teintes de ces énormes tours d’angle coiffées d’un magnifique bulbe à l’impériale.

Zoomez sur les détails de cette façade, cette cour d’honneur cerclée de si élégantes bâtisses et ces arcades en anse de panier. Nous y sommes, c’est là notre première rencontre de l’Art architectural de la Renaissance.

© Jacques BOUBY, Cour d'honneur , Valençay
© Jacques BOUBY, Cour d’honneur , Valençay

La cuisine : le cœur du réacteur diplomatique !

Talleyrand : la meilleure cave et la meilleure table… de Paris. Carrément ! Et Antonin Carême son chef étoilé expert en … constructions pâtissières savamment architecturées. J’ai noté que grâce à Talleyrand, on passa du service à la française, où tous les plats étaient posés sur la table à l’avance, au service à la russe, où ils furent apportés les uns après les autres. Ce service, plus rapide, permettait surtout de manger chaud ! 

Évidemment Talleyrand mit l’as des fourneaux dans ses bagages pour le Congrès de Vienne accompagné de toute une Armada de rôtisseurs, de boulangers, de sauciers, de pâtissiers. Invincible !

Lors des grands dîners que donne le prince diplomate, les convives voient défiler 48 entrées, une pléiade de rôtis, de homards, d’entremets, et d’extraordinaires pâtisseries en forme de village ou de château… Il fallait bien un pareil Amiral et de pareils arguments pour gagner le combat à Vienne et calmer les féroces appétits du Tsar et de la Prusse. Louis XVIII, très inquiet sur l’issue du Congrès fait une longue liste de recommandations à Talleyrand qui répond : « Sire, j’ai plus besoin de casseroles que d’instructions écrites ».
Valençay, Cave de Talleyrand-CC BY-NC Jacques BOUBY
Valençay, Cave de Talleyrand-CC BY-NC Jacques BOUBY

Sa cave : un tabernacle. Talleyrand avait goûté très jeune aux séduisants et prestigieux vins de Champagne, son oncle étant coadjuteur puis archevêque de Reims. Complètement séduit par la fine bulle frémissante, il se ruina dans l’achat d’une cargaison du ruineux Ruinart Père et Fils…bien que je remarque aussi des magnums de Dom Pérignon sur la photo. « Un diplomate en campagne ne négocie pas sans vin » écrit-il. Savez-vous que Talleyrand a été le propriétaire du domaine Château Haut-Brion acheté pour… un million d’euros d’aujourd’hui et revendu 3 ans plus tard avec fort bénéfice. Le goût et les affaires : toujours une affaire de goût.

Belle galerie à arcades qui dessert côté cour toutes les pièces. Talleyrand s’est contenté de les faire vitrer. Il y a disposé une superbe galerie d’ancêtres de la lignée Talleyrand Périgord et… tout au bout la Diane chasseresse.

Valençay, château-CC BY-NC Jacques BOUBY
Valençay, château-CC BY-NC Jacques BOUBY

… et la très belle Ariane endormie, (abandonnée sur un rocher par Thésée), copie en marbre blanc d’une sculpture antique conservée au Musée Pio-Clementino du Vatican : belle et froide telle un rêve de pierre.

Sculpture, Château Valençay,-CC BY-NC Jacques BOUBY
Sculpture, Diane Valençay, château-CC BY-NC Jacques BOUBY

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