Châteaux en Pays de Loire 12

CHATEAU de CHAUMONT sur LOIRE 2

On pénètre par un pont levis sur le flanc sud-est dans un impressionnant châtelet d’entrée accosté de deux tours énormes. D’évidence la première impression est celle d’une redoutable fortification militaire que mâchicoulis, casemates, meurtrières-canonnières et chemin de ronde viennent corroborer.

Château de Chaumont-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chaumont-CC BY-NC Jacques BOUBY

A hauteur de vue une frise sculptée alternant les C entrelacés de Charles de Chaumont (Charles II d’Amboise) et les monts enflammés (chauds monts). D’aucuns affirment que les 2 C entrelacés désignent Charles et sa femme Catherine, mais, Baste ! on ne croisera pas le fer sur ce sujet ! Notez que la famille d’Amboise conserva le château durant … 5 siècles.

Château de Chaumont-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chaumont-CC BY-NC Jacques BOUBY

Mais … levez le nez, mais… remarquez les ornements des mâchicoulis, les D entrelacés, les cors, les carquois et les flèches. Bon sang, mais c’est bien sûr ! Ce sont là fantaisies de Diane de Poitiers.

Château de Chaumont-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chaumont-CC BY-NC Jacques BOUBY

🔎 Donc, je me dois de compléter les livres d’histoire qui vous ont si gentiment raconté de pieux bobards ! A la libération des deux fils de François 1er, François et Henri qui sagement avaient pris la place de leur père dans les geôles de Charles Quint (après Pavie), l’Alcazar à Madrid, à cette libération donc, enfin obtenue après la « paix des Dames », toute la Cour se précipita à Mont de Marsan pour venir choyer et caresser mignonnement les chers petits délivrés. Le jeune Henri 11 ans fut ébloui par une beauté rayonnante de 31 ans : Diane de Poitiers …qui le baisa alors sur le front, (racontent les paparazzi !) et foudroyé d’amour, là, sur le champ, pour celle qui devait rester, eh oui ! tout de même ! 29 ans sa savoureuse éclatante maîtresse. Il faut dire qu’en digne fils de son père il ne pouvait rester indifférent aux yeux révolver de la Diane et … à tout ce qu’il faut de douces rondeurs du haut jusques en bas !

Bon, c’est vrai, l’histoire se répète toujours : Voyez, lui E. 15 ans et elle B. 40 ans, ça peut faire une sacrée passion !

Tenez, un détail dans la rubrique « On nous cache tout, on nous dit RIEN ! », Louis de Brézé, mari de Diane était le petit fils naturel de Charles VII et … d’Agnès Sorel (mais si, vous savez bien, la si belle au sein si rond et lactescent de la vierge de Jean Fouquet). Il est pas beau cet enchaînement ? Elle est pas admirable et cohérente l’histoire galante de la France ?

Mais pourquoi elle, Diane, ici ? Parce que après son mariage, voulu par François 1er avec la cousine du pape, Catherine de Médicis, Henri son fils, le dauphin, toujours subjugué par Diane perdit le sommeil le boire et le manger, écrivant des lettres passionnées, des poèmes délirants et laborieux (il n’avait pas la plume de son père… ni celle de Clément Marot !), bref sombra dans la Mélancolie.

… Et ne se ravigota vraiment que lorsqu’il accointa enfin icelle, la Diane.

Certes, certes mais pourquoi elle, ici, à Chaumont ? Et parce qu’étant devenu roi et elle la favorite du roi, Henri II n’eut de cesse de la couvrir de faveurs, d’argent, de titres, de domaines et lui offrit même le Château de Chenonceau qui appartenait à la couronne mais qui pourtant était inaliénable en vertu d’un édit royal !

J’entends bien, mais pourquoi elle, Diane, ici, à Chaumont ? Parce que lorsque Henri II portant pourtant les couleurs noir et blanc de sa mye, mourut brutalement, l’œil droit crevé et le crâne défoncé par la lance du jeune comte Montgomery lors d’un tournoi-fort-amical, à 41 ans, sa veuve Catherine de Médicis, réclama à la belle Diane le château de Chenonceau. Et que, magnanime avec cette pourtant sévère concurrente dont l’énervante beauté tenait du prodige tant et tant que la Médicis avait même fait préparer pour lui jeter au visage, un mélange savant d’acides corrosifs, Catherine de M. imposa à l’ex « putana » de son ex l’échange du château de Chaumont acheté pour cent vingt mille livres, de sa propre tire-lire en mars 1550 contre celui de Chenonceau le délicieux, baigné par le Cher.

Attention ! la magnanimité a ses limites même si l’on a joué alternativement et avec délice de la même épinette ! et quand l’ex-rivale Diane entra en possession de Chaumont, l’état du château n’était pas très reluisant, si bien que Catherine connaissant bien sa vénale de Diane dut lui faire remarquer que la terre de Chaumont (2500 ha) valait un tiers de plus que celle de Chenonceau et que le domaine était hyper rentable (péage sur la Loire et nombreuses terres agricoles, plus domaine de chasse important).

Le couronnement de la tour sud-est n’était qu’à peine amorcé et elle le prolongea sur l’ensemble du châtelet, d’où, ses emblèmes, nous y revoici ! unifiant ainsi les parties hautes. Si Diane, duchesse de Valentinois ne fit que des séjours ponctuels à Chaumont, elle fut soucieuse de ses résidences, et poursuivit la construction du château jusqu’à sa mort en 1566. On peut dire qu’elle a donné à Chaumont l’essentiel de sa physionomie actuelle.

Château de Chaumont, portrait d'Anne de Bretagne-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chaumont, portrait d’Anne de Bretagne-CC BY-NC Jacques BOUBY

Anne de Bretagne, illustre à la perfection ce qu’une fille noble, en ces temps, représentait en termes d’alliances et de calculs politiques afin de renforcer une position et/ou élargir son territoire. C’est ainsi que son père, François II duc de Bretagne promet en effet sa fille à différents princes français ou étrangers (j’en ai compté au moins 9 !) afin d’obtenir des aides militaires et financières, et renforcer sa position contre le roi de France. Ces calculs politiques conduiront ainsi aux fiançailles d’Anne avec différents princes d’Europe. Incroyable, car, finalement Anne de Bretagne sera reine de France, épouse de Charles VIII, puis de son successeur Louis XII ( cf envoi n°7, château de Blois 1), pour de mêmes raisons de politiques forcenées de cohérence territoriale.

Entre les deux grandes fenêtres du 1er étage de la cour intérieure de l’aile ouest, on peut voir des graffitis dont l’un en lettres capitales « LA DUCHESSE DE BRETAINE », cela pourrait remonter à un séjour que firent ici, dans été 1503, Louis XII son épouse et la Cour.

Château de Chaumont, -CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chaumont, -CC BY-NC Jacques BOUBY

Le porc épic royal de Louis XII désormais bien connu (https://jacbouby.fr/2020/12/08/chateaux-en-pays-de-loire-7/) et son impayable devise : « de près et de loin » (Continus et eminus)

Château de Chaumont, cour intérieure-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chaumont, cour intérieure-CC BY-NC Jacques BOUBY

L’intérieur de la cour sur le flanc nord illustre cette classique dualité architecturale : fortification militaire et verso, lieu plaisant d’agréments, d’architecture légère et élégante dont la Renaissance a paré tous ces bâtiments de Loire. Splendide !

  • Château de Chaumont, cour intérieure-CC BY-NC Jacques BOUBY
    Château de Chaumont, cour intérieure-CC BY-NC Jacques BOUBY

Et ma doudoue n’y a point hélas revêtu sa belle robe en armoisin blanc, à boutons de cristal, bordée de broderies d’or et fendue de la poitrine jusqu’en bas, pour laisser voir la jupe en voile de damas sur son vertugadin. Ni son escoffion, pour la protéger des gouttes qui régulièrement nous aspergent !

Château de Chaumont, balcon sur la Loire-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chaumont, balcon sur la Loire-CC BY-NC Jacques BOUBY

Oui ! Ci-dessous, c’est bien la chapelle du château. Méconnaissable ! Gerda Steiner et Jörg Lenzlinger (Allemagne) y ont installé leur œuvre : Les pierres et le printemps, à l’aide d’éléments végétaux, feuillages, graminées, fleurs séchées recueillis dans les Jardins du domaine. Scène onirique et vivante, ébouriffée (ébouriffante ?), jardin suspendu sous les voûtes du temple qui laisse scintiller ses vitraux. Iconoclastie ? Point ! œuvre d’art, voyons ! 🤪

Château de Chaumont, la chapelle-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chaumont, la chapelle-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chaumont-CC BY-NC Jacques BOUBY

Yannis Kounellis (Grèce) : Forêt de poutres et de cloches dans les cuisines du château

Ce coffre-fort constitué de 20 pênes, et pesant plus de 250 kilos est muni de plusieurs systèmes de fermeture et, à l’intérieur, à gauche, d’une cache, elle aussi protégée par un système : précaution supplémentaire en cas d’effraction du coffre fort et qui a donné naissance à l’expression « mettre à gauche » !

  • Château de Chaumont, coffre fort-CC BY-NC Jacques BOUBY
    Château de Chaumont, coffre fort-CC BY-NC Jacques BOUBY

 Dans les nombreuses pièces des ailes Ouest et Sud du château, d’étranges paysages du grand artiste chinois Gao Xingjian, par ailleurs Prix Nobel de littérature. Entre abstraction et figuration, réel et imaginaire avec des gris magnifiques et nuancés dont seule, l’encre de Chine a les secrets. Et, sur de grands formats, s’il vous plaît.

Château de Chaumont, Gao Xingjian-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chaumont, Gao Xingjian-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chaumont, Gao Xingjian-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chaumont, Gao Xingjian-CC BY-NC Jacques BOUBY
  • Château de Chaumont, Gao Xingjian-CC BY-NC Jacques BOUBY
    Château de Chaumont, Gao Xingjian-CC BY-NC Jacques BOUBY

Aile du sud est et aile ouest et sa tour d’Amboise (à gauche) fortifiée. Voyez comme se poursuit loin la frise sculptée qui alterne les C entrelacés et les monts enflammés. On voit bien aussi le travail de Diane de Poitiers sur les parties hautes du châtelet. A l’origine le château était sur une butte, d’après les illustrations de l’époque, il paraît à présent enfoncé. Ce sont les travaux d’aménagement du parc, fin XIXè qui ont entraîné une surélévation des sols, enfouissant ainsi, au moins visuellement, le château.

Château de Chaumont-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chaumont-CC BY-NC Jacques BOUBY

Autre propriétaire importante dans l’histoire du  château de Chaumont, Marie-Charlotte Constance Say (petite fille de Louis Say, financier et sucrier, vous savez bien, le Sucre SAY… que les moins de 20 ans ne peuvent évidemment pas connaître !) qui achète le château. Elle a… 17 ans mais… Kôlôssale fortune ! et sera de 1875 à 1938 la dernière propriétaire privée du château.

  • Château de Chaumont, les écuries-CC BY-NC Jacques BOUBY
    Château de Chaumont, les écuries-CC BY-NC Jacques BOUBY

La même année elle épouse le Prince de Broglie ; elle donnera ici des fêtes éblouissantes, et les époux auront à coeur de transformer avec soin le château, pour le rendre digne des plus grandes réceptions. Capricieuse et fantasque, la Charlotte mène une vie ahurissante, recevant comme des familiers rois et artistes, au rendez-vous de tout le gotha européen : même la Comédie Française ou les étoiles de l’Opéra se produisent volontiers dans son castel du bord de Loire !

Vous l’aurez bien noté : Chaumont est un château de femmes.

Ont doit donc aux De Broglie les somptueuses écuries conservant intact leur aménagement intérieur de 1877, travaux confiés à l’architecte Paul-Ernest Sanson, avec pour nos précieux équidés, eau courante, électricité, auge de faïence, stalles lambrissées, voire capitonnées…

Que de la luxueuse sellerie Hermès !

Château de Chaumont, les écuries-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chaumont, les écuries-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chaumont, les écuries-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chaumont, les écuries-CC BY-NC Jacques BOUBY

Klaus Pinter, En plein midi, un millier de fleurs d’or jouant avec les aléas de la lumière du ciel et l’architecture de l’auvent des Ecuries

  • Château de Chaumont, les écuries-CC BY-NC Jacques BOUBY
    Château de Chaumont, les écuries-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chaumont, les écuries, Klaus Pinter-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chaumont, les écuries, Klaus Pinter-CC BY-NC Jacques BOUBY

Dans le petit manège couvert, d’une douzaine de mètres de diamètre avec la délicieuse galerie de circulation (repris de la structure de l’ancien four à poterie ou à verre) toujours œuvre de l’architecte des De Broglie, Paul Ernest Sanson

Château de Chaumont, les écuries, petit manège-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chaumont, les écuries, petit manège-CC BY-NC Jacques BOUBY

Stéphane Guiran a installé son « Nid des murmures » : 5000 fleurs de quartz. Accumulation douce et silencieuse de ces tiges hautes que la brise n’émeut même pas.

Château de Chaumont, les écuries, petit manège, Stéphane Guiran-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chaumont, les écuries, petit manège, Stéphane Guiran-CC BY-NC Jacques BOUBY

L’inclassable Agnès Varda, ici plasticienne et photographe nous invite dans sa « Serre du Bonheur » où dialoguent joyeusement tournesols et pellicules délicates de copies abandonnées de ses anciens films (le Bonheur), agrémentées de photos de mains liées qui se touchent ou s’étreignent dans un décor végétal.

  • Château de Chaumont, Agnès Varda, la Serre du Bonheur -CC BY-NC Jacques BOUBY
    Château de Chaumont, Agnès Varda, la Serre du Bonheur -CC BY-NC Jacques BOUBY

Nous avons pris notre repas au comptoir méditerranéen, face au bel et raffiné Grand Velum, en plein air sous les toiles crépitantes de pluie, puis nous avons replongé dans les sentiers sinueux, surprenants, inattendus, je n’ai pas dit bizarres, des « Jardins de paradis » et nous dormions le soir au bord de la Loire face au château d’Amboise qu’un beau soleil couchant avait décidé d’éclairer. 

Château de Chaumont -CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chaumont -CC BY-NC Jacques BOUBY
Château d'Amboise -CC BY-NC Jacques BOUBY
Château d’Amboise -CC BY-NC Jacques BOUBY

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