Châteaux en Pays de Loire 9

CHATEAU de BLOIS (3)

Deux jours avant notre arrivée à Blois, la municipalité avait ouvert une aire de service, juste à la sortie de la ville avec, s’il vous plaît, une navette gratuite pour le centre ville. Merci monsieur le maire. Nous pûmes donc, à notre aise parcourir les rues du sympathique petit marché du samedi, place Louis XII et rues adjacentes et déjeuner sous les grands arbres. Nous passâmes deux nuits à Blois.

Château de Blois, cour intérieure, Aile Louis XII et galerie Charles d'Orléans-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Blois, cour intérieure, Aile Louis XII et galerie Charles d’Orléans-CC BY-NC Jacques BOUBY

Quelques tableaux encore du Musée d’art de Blois  du Château : la peinture, c’est l’un de nos contrepoisons !

Blois, Isidore Patrois, « François 1er confère au Rosso les titres et les bénéfices de l’abbaye de Saint Martin »
Château de Blois, Isidore Patrois, François 1er confère au Rosso les titres et les bénéfices de l’abbaye de Saint Martin-CC BY-NC Jacques BOUBY

Isidore Patrois, « François 1er confère au Rosso les titres et les bénéfices de l’abbaye de Saint Martin », 1885

 Pour embellir, Fontainebleau, sa nouvelle capitale à partir de 1528, François 1er espéra convaincre quelques-uns des plus grands maîtres italiens d’entrer à son service. Michel-Ange et Giulio Romano refusèrent l’offre. Giovanni Battista di Jacopo (1494-1540), surnommé Rosso Fiorentino, le Florentin roux, se laissa séduire et arriva à Fontainebleau en 1530. En 10 ans, Rosso créa à Fontainebleau plusieurs grands décors dont le plus important et le seul qui nous soit parvenu est la galerie François 1er, splendidement ornée de lambris sculptés, de fresques et de stucs selon une formule inédite en Europe qui inspira la peinture, la sculpture mais aussi le mobilier et l’orfèvrerie. Avec Le Primatice et Niccolo dell’Abbate ils formeront la première École de Fontainebleau.

Mécène convaincu, le roi soutient de nombreux autres artistes : le miniaturiste Jean Bourdichon, élève de Jean Fouquet, Jean Clouet, originaire de Bruxelles, qui devient peintre du roi en 1528. Outre Léonard de Vinci, Bellini, Andrea del Sarto et Girolamo della Robbia, qu’il fait venir en France et dont il acquiert de nombreuses œuvres, le roi fait également venir d’autres artistes italiens, tels les Giusti, à qui il confie la réalisation du tombeau de Louis XII et d’Anne de Bretagne pour la basilique Saint-Denis, ou Dominique de Cortone, qui donne en 1533 les plans du nouvel hôtel de ville de Paris.

NB : cette peinture est caractéristique du « style troubadour » dont je vous ai entretenu la dernière fois.

Voici quelques tableaux qui (très) loin d’être des chefs d’œuvre n’auraient pas déplu à François 1er lequel grand amateur de femmes ne détestait aucunement de les voir aussi en peinture ! Pour preuve l’anecdote suivante qui vaut son pesant d’or et que je vous vais narrer.

Château de Blois, Musée-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Blois, Musée-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Blois, Musée-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Blois, Musée-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Blois, Musée-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Blois, Musée-CC BY-NC Jacques BOUBY

Agnolo Bronzino, Allégorie du triomphe de Vénus, 1540-1550

Agnolo Bronzino, Allégorie du triomphe de Vénus-CC BY-NC Jacques BOUBY
Agnolo Bronzino, Allégorie du triomphe de Vénus-CC BY-NC Jacques BOUBY

🔎 Bronzino, prénom Agnolo, devenu peintre officiel des Médicis avait peint à l’envi de beaux jeunes gens, dénudés ou non, de superbes enfants, dénudés ou non ce qui avait fini par déclencher dans Florence des rumeurs, inquiétantes pour lui, et l’on ne se privait pas d’insinuer qu’il n’avait, curieusement, jusqu’ici peint qu’une affreuse Galatée et quelques broutilles de femmes au sein rond dans son Passage de la Mer Rouge dans la Chapelle Eléonore de Tolède, du Palazzo Vecchio. C’était louche, bien louche ! Bougre de bougre !

Il décida de donner des gages publics de sa « bonne moralité » et de frapper fort en rendant un hommage appuyé au gentil sexe qu’effectivement il avait ignoré d’une façon très … compromettante. En battant à plate couture le garçon déguisé de l’anguleuse Vénus de Botticelli, il décida d’aller le plus loin possible dans l’érotisme et la sensualité du corps… féminin.

Et, comme tous les peintres qui dénudaient fort leurs personnages, il se mit à couvert sous le titre mythologique à souhait : Vénus et Cupidon.

Un peu stupéfait lui-même de sa témérité, le Bronzino ! Les poses alanguies et carrément lubriques, les chairs lactescentes, les rondeurs troublantes, l’omniprésence de ce corps (le tableau mesure quand même 1m 50 de base !) offert sous toutes ses coutures, cet impudique baiser incestueux sur fond d’azur, bref, cette luxure mise en splendeur n’était plus un tableau mais…  un outrage public à la pudeur… Pris d’inquiétude il s’empressa de rajouter la pomme du péché, la flèche du châtiment, une branche épineuse sous les pieds du putto joufflu, des griffes, un visage ravagé par la syphilis, des visages grimaçants, des masques terrifiants… bref toutes métaphores de la faute et… de son châtiment, tentant de transformer son apologie du plaisir charnel en condamnation sans appel de la luxure.

Si le Duc parut fort intéressé, émoustillé, peut-être, la duchesse désapprouva et … proposa d’offrir cette ignominie peccamineuse en cadeau d’amitié et d’alliance à … François 1er. C’est dire quelle réputation avait notre bon roi et sa cour… même à Florence. 🤪

Et c’est ainsi que le Duc Cossimo 1er de Médicis fit envoyer ce chef d’œuvre précieux, sommet du maniérisme à François 1er vers 1545.

Je l’ai photographié à la National Gallery qui l’a acquis en 1860, mais il est revenu en France le temps d’une exposition sur François 1er. Je l’ai aussi un peu éclairci afin que vous puissiez scruter mieux les marges.

Non ! vous n’aurez pas droit à la photo du tableau d’Antonietta Gonsalvus (la star des selfies) et son affreux visage atteint d’hirsutisme (hypertrichose) peint par Lavinia Fontana qui trône dans la Chambre de la Reine… et fait vibrer les foules. Non ! le Bizarre n’est pas forcément Beau ! et je ne salis pas mes objectifs. Mais vous pourrez vous rattraper : elle aura son expo en 2021 !

Quand on sort du château et que l’on passe dans les anciennes douves, rue des Fossés, précisément, on se prend à lever la tête vers l’Aile des Loges qui vous surplombe abruptement.

  • Château de Blois, Aile des Loges-CC BY-NC Jacques BOUBY
    Château de Blois, Aile des Loges-CC BY-NC Jacques BOUBY

On est surpris car toute l’orientation du parcours de la visite du château concourt à escamoter cette Aile, à l’ignorer. Témoin le guide officiel de visite qui s’organise exclusivement autour de la cour centrale (cf photo 1 de l’envoi 7) et cet Aile des loges n’est même jamais mentionnée dans le dépliant.

Pourtant, extraordinaire et puissante, cette façade avec deux étages de loggias, surmontée d’une galerie sur piliers plus l’attique qui la surplombe est merveilleusement décorée de balcons, échauguettes, gargouilles, motifs divers. A profusion. Admirez cette richesse. Bref, aucun doute, cette façade somptueuse et originale était faite pour être VUE !

Notez l’échauguette qui se détache de la façade, c’est l’oratoire de Catherine de Médicis où elle venait tous les jours prier ; un précieux coffret entouré de cuir en forme triptyque en émail sur cuivre réalisée à sa demande immortalise ce rite. Notez dans la photo de l’intérieur ci-dessous que Duban-le-célèbre a pourvu l’oratoire de ces vitraux de saintes, peuplés entre autre d’angelots dénudés et dûment sexués… dont il n’est pas sûr que Catherine les aient appréciés à leur juste valeur lors de ses dévotions quotidiennes.🤪

Château de Blois, oratoire de Catherine de Médicis, vitraux de Duban-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Blois, oratoire de Catherine de Médicis, vitraux de Duban-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Blois, oratoire de Catherine de Médicis, vitraux de Duban, détailCC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Blois, oratoire de Catherine de Médicis, vitraux de Duban, détail-CC BY-NC Jacques BOUBY

A défaut de la photo du triptyque entier entièrement parasité par des reflets de sa protection vitrée, vous ne verrez (ci-dessous) que l’un des 4 médaillons des deux volets du triptyque : l’Annonciation. A noter dans les coins, les emblèmes H/C entremêlés et les larmes de deuil évoquant la mort de Henri II son époux, elle même représentée en prière en habit de deuil qu’elle ne quittera plus jamais jusqu’à sa mort ici, dans la chambre attenante.

Blois, triptyque en émail sur cuivre de Catherine de Médicis, détail-CC BY-NC Jacques BOUBY
Blois, triptyque en émail sur cuivre de Catherine de Médicis, détail-CC BY-NC Jacques BOUBY

Or donc ? Comment comprendre cette ouverture et ces nombreux balcons, s’échappant, s’évadant de la close intimité de la cour refermée intérieurement sur les quatre ailes de ce château ?

Château de Blois, Aile des Loges-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Blois, Aile des Loges-CC BY-NC Jacques BOUBY

La réponse est là, dans le dessin ci-dessous de Jacques Androuet du Cerceau, mystérieux architecte prolifique (1700 gravures,1200 dessins), dont nul ne sait s’il a jamais construit un seul bâtiment !

Blois et jardins, Jacques Androuet du Cerceau
Blois et jardins, desssin Jacques Androuet du Cerceau

🔎 En vérité on ne comprendrait pas la majestueuse ouverture de ces multiples baies donnant sur… un parking Victor Hugo, des rues animées de véhicules, un semblant d’espace vert où sommeillent quelques retraités … si on omettait d’apprendre que s’étalaient là, splendidement à la vue, de magnifiques jardins royaux et sur 10 hectares, constituant l’un des plus beaux endroits du royaume, propices à la flânerie et au repos. Ces jardins du Château royal aujourd’hui disparus ont eu les honneurs du si beau manuscrit enluminé par Jean Bourdichon « Les Grandes Heures d’Anne de Bretagne », elle-même passionnée par la connaissance des plantes, l’ouvrage de Bourdichon multipliant d’ailleurs à l’infini des dessins de plantes de toutes espèces dessinées par Jehan Poyet.

Château de Blois, Aile des Loges-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Blois, Aile des Loges-CC BY-NC Jacques BOUBY

A défaut d’une photo prise de la tour du Foix sur le bel amphithéâtre vers la Loire et l’étagement de ses maisons… qui est en travaux et inaccessible

  • Blois-CC BY-NC Jacques BOUBY
    Blois-CC BY-NC Jacques BOUBY

Escalier Denis Papin, l’enfant du pays né à Blois, des marches duquel on a fait renaître la Joconde pour le 500è anniversaire de Leonardo.

  • Blois, escalier Denis Papin-CC BY-NC Jacques BOUBY
    Blois, escalier Denis Papin-CC BY-NC Jacques BOUBY
Blois-CC BY-NC Jacques BOUBY
Blois-CC BY-NC Jacques BOUBY

Nous revînmes à la tombée de la nuit au château pour y voir le théâtre son et lumière qui nous plongea dans le ravissement.

  • Blois, son et lumière-CC BY-NC Jacques BOUBY
    Blois, son et lumière-CC BY-NC Jacques BOUBY

D’abord la technologie où images de synthèse et animations numériques sont projetées au millimètre près sur les quatre royales façades par 23 vidéoprojecteurs et hauts parleurs est à couper le souffle. C’est vrai que nous arrivons du fond de la brousse de Caylus ! Ensuite, tous les grands acteurs de l’histoire défilent sur les murs ruisselant de lumières, crues ou intimes, violentes ou apaisées, les Jeanne d’Arc, Louis XII, François 1er, Catherine de Médicis, Duc de Guise etc. etc. On y voit même Gilles de Rais et Ronsard : un joyeux melimelo (je crois même y avoir vu Balzac !) en gerbes de lumières. Sans compter les somptueux rayons qui viennent inlassablement dessiner et redessiner les façades à l’infini.

  • Blois, son et lumière, aile Louis XII-CC BY-NC Jacques BOUBY
    Blois, son et lumière, aile Louis XII-CC BY-NC Jacques BOUBY
  • Blois, son et lumière, aile François 1er-CC BY-NC Jacques BOUBY
    Blois, son et lumière, aile François 1er-CC BY-NC Jacques BOUBY
  • Blois, son et lumière, aile François 1er-CC BY-NC Jacques BOUBY
    Blois, son et lumière, aile François 1er-CC BY-NC Jacques BOUBY

Vous ne vous étiez pas demandé pourquoi je ne vous avais rien montré de l’aile Gaston d’Orléans qui, pourtant, vous saute aux yeux dès que vous passez le porche d’entrée du château ? C’est … qu’elle ne me plaît pas du tout, grise et terne. Ennuyeuse. Une élégance de caserne que ne sauvent pas ses colonnes fanfaronnes et sa faconde façade.

  • Blois, son et lumière, aile Gaston d'Orléans et François 1er-CC BY-NC Jacques BOUBY
    Blois, son et lumière, aile Gaston d’Orléans et François 1er-CC BY-NC Jacques BOUBY

De plus, ce type, euh il aurait pu être roi si… le petit Louis Dieudonné, futur Louis XIV ne s’était pas soudainement décidé à naître, ce Gaston qui a déjà largement amputé l’aile Renaissance si gracieuse et démoli la nef de l’église, une grande part de la galerie Charles d’Orléans, autrefois deux fois plus longue collée à la chapelle Saint-Calais, les appartements de François 1er, voulait tout détruire, tout raser pour nous gratifier de sa monumentale et chiante construction ! Heureusement, par la naissance du petit, il n’eût plus accès à la Caisse du royaume. Plus de sous, plus de palais. Ouf !

Mais je veux bien à présent vous montrer cette façade dessinée et redessinée avec bonheur par les faisceaux laser du mapping video.

  • Blois, son et lumière, aile Gaston d'Orléans-CC BY-NC Jacques BOUBY
    Blois, son et lumière, aile Gaston d’Orléans-CC BY-NC Jacques BOUBY
  • Blois, son et lumière, aile Gaston d'Orléans-CC BY-NC Jacques BOUBY
    Blois, son et lumière, aile Gaston d’Orléans-CC BY-NC Jacques BOUBY

L’après midi nous visitions le château de Beauregard.

Château de Beauregard-CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Beauregard-CC BY-NC Jacques BOUBY

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