CHATEAU de BLOIS 2
Au 2è étage de l’aile François 1er, la chambre du roi, encore bruissante du célèbre assassinat du Duc de Guise, la salle du conseil où sont rassemblées des œuvres relatant l’assassinat et l’enterrement du Duc. Toute une animation multimédia s’essaye à faire frissonner les foules. Paraît même qu’il n’y a pas si longtemps, des guides zélés versaient des gouttes de sang de poulet sur le sol. Mamma mia, c’est Terrrrribile ! Vous vous souvenez combien vous avez tremblé, tout petit sur votre livre d’histoire et ces paroles terribles, apprises par cœur : « Dieu, il est encore plus grand mort que vivant ». 1528. Vingt trois coups de poignards.
Vous pouvez d’ailleurs continuer à trembler à votre Guise, lors des visites nocturnes organisées dans le château, où derrière la torche tremblotante du guide, vous entendrez nettement craquer les boiseries, grincer les portes, gémir les escaliers et sans doute murmurer les sbires d’Henri III, tapis dans l’ombre.
Les trois Guise. Ce tableau d’un auteur anonyme (Vers 1585 – 1589) représente les portraits des trois fils du duc François de Guise.
Au centre, Henri de Lorraine, dit le Balafré (blessé au visage à la bataille de Dormans, en 1575), duc de Guise (1550 – 1588), à gauche, son frère Charles, duc de Mayenne (1554 – 1611), à droite, Louis, cardinal de Lorraine, (1555 – 1588).
Pierre-Charles Comte, La Rencontre d’Henri III et du duc de Guise.
Certains guides touristiques, peu regardants, présentent ce tableau « L’assassinat du duc de Guise au château de Blois en 1588 » comme peint par Paul Delaroche en 1834. En réalité, il s’agit d’une réplique et la VRAIE toile de Delaroche se trouve au musée Condé à Chantilly. Bon, c’est vrai, on y gagne au change car ce faux est nettement plus lumineux et moins dégradé que l’original
🔎 Pas si mal fait que ça, ce tableau : regardez cette mise en scène, c’est comme au théâtre : le groupe de sbires, sur le devant de la scène, farouches, les épées encore à la main ou en train de rengainer après la mission accomplie, mais bien costumés, chicos, ce sont pas des truands de bas étage, mais un groupe choisi des Quarante cinq, la garde royale rapprochée. Les visages sont éloquents de gravité et d’interrogation. L’un montre, sans se retourner, de son épée qui sert de lien dans la composition, le cadavre.
A droite, donc, le Duc de Guise, le Balafré, gisant au pied du lit du roi, étendu au sol les bras en croix, tel le Christ (De Guise est chef des Ultra catholiques) et dans un vide scénique impressionnant (la moitié de l’espace du tableau) mais nimbé d’une nappe de lumière. A gauche le commanditaire de cet assassinat, le roi Henri III, sortant de sa planque et soulevant prudemment le rideau, interrogeant de son regard oblique, avant de se risquer dans la pièce : une toute petite partie de l’espace du tableau est consacrée au couard minable, lui, presque hors-champ ! Âpre majesté du mort versus lâcheté ridicule de l’Assassin, sortant de son trou à rat. Peut-être le charmant petit chien, venant lui aussi aux nouvelles introduit-il une touche de tragi-comique. Bref, art dramatique étudié et souci réel de réalisme historique et… belle réalisation picturale.
NB : Mais, le 1er août 1589, un dominicain fanatisé, Clément, exprimant le désarroi des catholiques devant le rapprochement entrepris par le roi vis-à-vis de son cousin de Navarre, assassine Henri III à Saint-Cloud. Une lueur pourrave éclairant ce tableau, je ne puis vous le montrer.😫
Barthélemy-Charles-Jean Durup, 1804-1839 Paris, élève de Gros, Henri III poussant du pied le cadavre du duc de Guise.
Procession et cérémonie funèbre en l’honneur du duc de Guise, d’Arnold Scheffer,1868.
Regardez le détail de la photo ci dessus !!! Les pleureuses on fait fort : sous l’immense et irrépressible douleur, elles ont à ce point mis en pièces menues leurs vêtements, que dos, seins et fesses participent furieusement au deuil. Bravo, c’est le gage d’une profonde douleur, alors qu’à droite et au pied du Christ, les seusses vêtus de sombre du haut jusquezenbas ne se bornent qu’à… accomplir un rite, le visage glabre et le sein sec.
Oui, le grand témoin de la libération du portrait est ce fond neutre, capable d’isoler et de détacher une tête, un profil, un buste d’un ensemble. Ainsi le visage n’était plus partie prenante d’une narration mais devenait hardiment à lui seul, une description et … s’enveloppait dans un cadre. Avec ce cadrage serré sur le visage (ancêtre de nos photographies d’identité) Quelle victoire !
Portraire, c’est un verbe, c’est faire la représentation d’une personne avec le pinceau, la plume, le crayon. Certes, Non ! la Renaissance n’inventa pas le genre du portrait. Que l’on revisite ces portraits florentins, ces visages aigus, hiératiques aux couleurs brillantes que Masaccio peint déjà (en 1400 et quelques). Mais ce qui devient à la mode ce sont les galeries de portraits, vrais ou fantaisistes.
Cette vogue des « Galeries de portraits » atteindra son paroxysme au milieu du XVIIè siècle. Certains rois comprendront vite que les portraits sont un moyen essentiel pour assurer la présence du personnage au présent et sa pérennité dans l’histoire. François 1er le premier roi grand communiquant saisira promptement son usage dans sa propre campagne de glorification.
Mais, les Illustres ne sont pas seulement rois et princes, puisqu’on y trouve aussi les portraits d’Érasme et de Ronsard.
NB : N’oublions pas que c’est ici, à Blois que Pierre de Ronsard rencontre lors d’un bal en avril 1545 Cassandre Salviati, qui lui inspirera les si fameuses « Les Amours de Cassandre »
C’est ainsi qu’à la demande de Catherine de Médicis, François Clouet réalisa, avec son fils de nombreux portraits des enfants de la reine. Quelques dessins fort sympathiques sont présentés ici, à l’aile Gaston d’Orléans, dans une exposition « Enfants de la Renaissance » qui rassemble près de 150 tableaux, gravures, manuscrits et objets. Admirez ici ces bustes ou visages légèrement de 3/4 sur fond neutre « aux trois crayons», pierre noire, sanguine et craie blanche.
NB : Le château royal de Blois a vu grandir les dix enfants de Catherine de Médicis, née il y a 500 ans, et morte ici, dans les bras de son fils, le 5 janvier 1589.
★ Les appartements royaux du premier étage de l’aile Louis XII abritent le musée des Beaux-Arts de Blois depuis 1869. Bien sûr, c’en est terminé des magnifiques collections de François 1er, ami et grand protecteur des Arts et des Lettres qui, insatiable, collectionne toutes sortes d’œuvres d’art : manuscrits anciens, miniatures, tableaux, sculptures, objets d’art, médailles, tapisseries, pierres précieuses, même. Elles ont quitté Blois depuis longtemps. Les huit salles et la galerie présentent un choix de peintures et de sculptures du XVIè au XIXè siècle. Je retiendrai quelques tableaux :
Jean Cousin le fils (1522 – 1594), L’Enlèvement d’Europe (1570)
🔎 Europe, princesse phénicienne cueillait des fleurs près de la plage de Sidon. C’est là que ZEUS aperçut la jeune fille jouant avec ses compagnes et il en tomba immédiatement amoureux. Il jugea plus prudent de se métamorphoser en taureau pour échapper à la surveillance de son épouse, Héra-la-jalouse, et pour mieux approcher les jeunes filles sans les effaroucher. Il prit la forme d’un beau taureau blanc au front orné d’un disque d’argent et surmonté de cornes en croissant de lune. Il se mêla paisiblement aux jeux des jeunes filles ; il se laissa même caresser par Europe, qui, attirée par l’odeur d’un crocus qu’il mâchonnait, tomba sous son charme et s’assit sur son dos.
Mais dès qu’elle fut sur son dos, il se précipita vers le rivage proche. Accompagné par toute une cohorte de divinités marines, de Néréides chevauchant des dauphins et de tritons soufflant dans des conques, il l’amena dans l’île de Crête. Pas beau et palpitant, tout ça ? Mais pourquoi diable, tous ces dieux sont-ils morts ? On s’ennuie tellement, même avec les héros du jour !
Ci-dessous, d’après Francesco Melzi, l’un des bons amants élèves de Leonardo da Vinci, voici Flora. La toile originale est à l’Hermitage ; je la photographiai là-bas jadis. Est-ce Flora? l’éblouissante magnifique courtisane romaine qui mourut si riche et opulente que sa fortune, gagnée à la sueur de son … était suffisante pour refaire les murs de Rome et même désendetter la République ? On en rêve 🤪. C’est Brantôme qui l’écrit ( figurez-vous que j’ai retrouvé, dans mon enfer, un exemplaire bien jauni acheté jadis des « Dames Galantes » ! ) Il écrit aussi que sur le seuil de sa porte était un écriteau : « Rois, princes, dictateurs, consuls, censeurs, pontifes, questeurs, ambassadeurs et autres grands seigneurs, entrez céans et les autres, passez votre chemin » 🤪
Elle souhaita qu’une partie de sa fortune servît à la célébration de son jour natal et tous les ans, par des jeux pour le peuple et qu’on nommerait Jeux Floraux. En fait, défilaient pour le bonheur de tous, de splendides filles dénudées avec force remuements lascifs et tordions bizarres, provoquant sallauderies et débordements à l’envy. Une vraie Fête des courtisanes, en vérité qui régalait le peuple. Mais qui délivrait cet avertissement impérieux : Profitez de votre beauté pendant qu’elle est dans sa fleur !
Le Sénat fit en sorte de cacher au public l’origine interlope de cette institution et fit croire au bon peuple que Flora était la déesse qui préside aux fleurs et qu’il convenait d’honorer tous les ans afin que la récolte soit bonne.
Valentine de Milan pleurant son époux par Marie-Philippe Coupin de la Couperie (1822)
🔎 Valentine Visconti (aïeule de Louis XII) une princesse milanaise devenue duchesse d’Orléans par son mariage avec Louis d’Orléans, frère du roi de France Charles VI. Son mari est assassiné par le duc de Bourgogne Jean sans Peur, son cousin et rival. Après avoir réclamé justice sans succès, elle se retire alors à Blois où elle meurt de chagrin en 1408.
Elle fait graver sur les murs et sur le tombeau de la chapelle des Célestins la phrase devenue célèbre : « Rien ne m’est plus, plus ne m’est rien. » Ce grand tableau illustre le thème de la fidélité au-delà de la mort. Ce nouveau type de peinture, reconnu comme inclassable selon la hiérarchie des genres, fut alors dénommé « genre anecdotique », c’est-à-dire à mi-chemin entre la peinture d’histoire et la scène de genre. Au XIXè siècle, on aime les héroïnes romantiques, l’exaltation des sentiments, et les fastes des siècles passés. C’est la peinture qu’on appelle « troubadour », le terme ayant été utilisé vers 1880 pour qualifier (et s’en moquer) des peintures du début du XIXè siècle illustrant des anecdotes historiques de manière doucereuse, mythique et mélo sans grand souci de la réalité historique.
Domenico Cresti, dit Le Passignan (1599-1638), L’embarquement de Marie de Médicis au port de Livorno le 17 octobre 1600, peint en 1624-1627. On y voit Marie de Médicis, juste après son mariage par procuration avec Henri IV, qui s’embarque au port de Livourne le 17 octobre 1600 à bord de la galère royale superbement décorée. En fait, ce tableau est une esquisse ou modello destiné à être présenté au commanditaire – ici Marie de Médicis – pour obtenir son approbation avant la réalisation de la toile finale.
Je vous aurais bien épargné ce jeune Histrio déhanché (lat. class. histrio « mime, comédien, acteur ») en marbre, exposé au salon de 1872, de Ludovic Durand (1832-1905)… Mais Jules Barbey d’Aurévilly qui l’apprécia beaucoup cita à son propos les vers d’André Chénier « sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques » semblant donc y trouver autre chose que de l’académisme. Je m’en voudrais de contredire un si grand homme !
Où nous découvrons que, sans être un fana de peinture religieuse, le peintre du Harem et autres appétissantes baigneuses et odalisques, J.Dominique Ingres a commis quelques Vierge à l’enfant, inspirées de Raphaël (ici La Vierge aux candélabres, dont nous avons une copie, chez nous, au Musée Ingres-Bourdelle de Montauban)
Martin de Vos (1532-1603), La Mort d’Adonis. Au premier plan, le bel Adonis allongé, nu, dans les bras d’Aphrodite/Vénus ; une blessure profonde à l’aine droite infligée par le sanglier qu’il chassait. Est-ce un sale coup d’Arès, le dieu de la Guerre et … l’amant officiel d’Aphrodite ? A l’arrière plan, le char de Vénus tiré par deux cygnes.