VILLESAVIN
Et nous voici au Château de Villesavin. Je vous livre la version des guides touristiques complétées par celles du document officiel, re-complétée par les dires de la jolie voix métisse à l’œil espiègle et sympathique qui nous accompagna dans la visite des intérieurs :
Ce château est construit pour Jean Breton sur des terres données-cadeau par François 1er à son ami fait prisonnier de conserve, en 1525, durant la bataille de Pavie et… qui se retrouve enfermé dans la même forteresse que le roi.
D’aucuns en rajoutent même un peu en faisant des deux, des amis de captivité en Espagne où François 1er fut retenu par Charles Quint. A leur retour François 1er nomme Jean Breton gouverneur des travaux de Chambord lequel se fit construire ce bijou précieux ici à Villesavin, à six km de Chambord.
★ Savez-vous que j’ai même trouvé, dans un article (de journaleux, il est vrai !) que notre Breton (en plus il le nomme J. Le Breton !) était l’architecte de Chambord ! Carrément !
🔎 Bon ! Soyons sérieux ! d’après un mien informateur fort certifié, Jean Breton, Notaire et Secrétaire du Roi dès 1517, Général des Finances du Comté de Blois, Contrôleur des Guerres en 1533, Contrôleur général des Guerres en 1537, ne se serait jamais occupé de la construction de Chambord mais seulement du paiement ! Et toc ! C’est ce genre d’info erronée écrite, un jour fort ancien, à la hâte sans trop de scrupule ni de vérification (d’un certain Bernier) qui se répète en écho d’âge en âge in saecula saeculorum. Vous verrez, on va en trouver pas mal de ces fake news dans notre voyage ! Mais, nous ouvrirons l’oeil…
Ce qui n’empêche pas que la charge de Jean Breton secrétaire des Finances atteste de son évidente proximité avec François 1er.
Admirez la façade Nord (Photo 1), du côté de la cour, sobre certes. Mais, zoomez sur les tympans trapézoïdaux des lucarnes, bordés de double cavet, leur décoration avec rubans, fleurs ou feuillages et leurs personnages.Très classe ! Euh ! Pour ce qu’il en reste !
Seulement 10 ans ont suffi pour mettre sur pied ce ravissant château d’inspiration Renaissance agréable, élégant et échappant à la folie des hauteurs. Alors que de nombreux textes, à commencer par la 1ère page du dépliant sur le château le surnomment « La Cabane de chantier de Chambord » formule gouailleuse dont apparemment « ils »sont très fiers puisque nous l’entendîmes aussi dans la jolie voix métisse qui nous guidait.
Savez-vous que ce château de Breton avait, en son temps, toutes ses vitres en cristal et décorées des Métamorphoses d’Ovide avec s’il vous plaît, un quatrain qui expliquait chaque scène. Savez-vous que les toitures « étaient plombées et dorées en rayons de Soleil » ? d’après un descripteur d’alors.
A noter que Jean Breton fait partie des aristocrates de la finance, une classe dirigeante d’officiers royaux, classe à part, fort discrète, cultivée et fort riche, organisée en réseaux puissants, n’ayant rien de commun avec la fastueuse et bruyante noblesse de cour, pas plus qu’avec la pauvreté déprimante de la noblesse des champs.
Si l’on trouve çà et là de magnifiques italianeries, c’est que Breton en campagne d’Italie découvrit et prit goût aux splendeurs des palais, villas et jardins et qu’il était facile (pour celui qui payait les ouvriers !) de faire appel aux ouvriers et artisans italiens et français qui construisaient Chambord à deux pas de là. Comment on dit ça, déjà chez nous, en doulce République ? Ah oui ! détournement de fonds publics, article 432-15 du Code Pénal.
Les douves au premier plan et la chapelle. NB : Vous ne verrez pas la moindre photo de ses fresques, sur lesquelles certains textes osent s’extasier devant… « cet ensemble exceptionnel »(sic). Exceptionnels en effet, ces angelots, frisotant, lourdauds, trapus, adipeux, aux rictus ignobles, ces scènes classiques de la Passion, parfaitement italianisantes, mais accablantes de lourdeur et surtout abominablement dégradées. Des épaves, alors que … Paraît qu’elles ont été restaurées !!! Nous avons vu assez de magnifiques fresques du XVIe et je vous en ai d’ailleurs présenté d’assez nombreuses, l’an passé, pour s’attarder devant ce désastre.
NB : Si vous êtes d’un autre avis quand vous passerez là bas, faites le moi savoir !
Il y a trois ans, une vente aux enchères publiques de mobilier, tableaux, et autres objets s’est tenue dans l’orangerie du château pour financer la rénovation de la chapelle.😫
Détails du socle de la belle fontaine, (aujourd’hui dans la cour centrale, jadis, à l’arrière vers le jardin) qui, vous pouvez le vérifier dans les détails, n’est pas l’œuvre de bricolos ! C’est du grand Carrare, sculpté par les maîtres italiens, sans doute venue par le port de Gênes. Ça, c’est une munificence de grand seigneur qui ne manquerait pas d’étonner dans une demeure champêtre et rustique ou « une cabane de chantier » laquelle n’a pas peur d’associer dans ses bâtisses, logis, ferme et communs, dans une organisation en trois cours interessante dont les modèles doivent être cherchés en Italie.
★ Rien à dire de sympa sur les intérieurs, remaniés et lamentablement dégradés au cours des siècles. La troisième génération de la famille de Sparre qui devint propriétaire en 1937, d’un château en bien triste état (sans compter, les 819 ha rétrécis en … 13 ha en 1939 !) fait aujourd’hui ce qu’elle peut ! Même le tourne-broche dans la cheminée de la cuisine n’est pas d’origine et n’a jamais fonctionné, on y voit des cloisons en brique, des plafonds surbaissés, des meubles fades, des revêtements désastreux, des ouvertures vilainement modifiées … Sans doute rien à voir avec l’élégance et le luxe dont aimaient s’envelopper les financiers de l’entourage de François 1er, dont il faut reconnaître qu’ils ont écrit en partie l’histoire des châteaux de la Renaissance.
Je vous avouerai que le decorum intérieur ne casse pas les manivelles et relève de l’inventaire de Prévert à l’exception, naturellement, du raton laveur.
Je n’ai pas l’habitude de vous gaver avec les photos d’ustensiles de cuisines en cuivre, en rangs serrés que nous rencontrons en nombre faramineux et dans toutes les cuisines de ces hautes demeures. Alors ? pourquoi la photo de cette fontaine de cuivre ? Parce que, dixit la charmante guidesse, elle aurait appartenu à … Chardin ! le peintre ? Si fait !
Evidemment, rentré at home, je m’en fus revoir fissa le tableau du Louvre, dans mon Musée numérique. Je vous la livre, la Fontaine, et amputée de son cadre car … « ceci n’est pas une fontaine en cuivre » ! Jugez ! Quant à moi, je pense qu’il en existe des milliers et que … le châtelain a un immense culot !
Regardez cette façade Sud, du côté du jardin aménagé jusqu’à la rivière Beuvron, comme elle est élégante et distinguée avec son beau perron couvert d’un porche voûté, supportant une petite pièce à quatre croisées, l’oratoire.
OK, vous ne verrez pas le très beau colombier de 1496 boulins (= 3000 pigeons environ) ! Jouxtant l’orangerie à droite quand on regarde la façade côté sud. Car il est en totale réfection, sous échafaudage. Retenu par la mission Bern « Patrimoine en péril », le projet de restauration du colombier fait parallèlement l’objet d’une campagne de financement participatif, car il ne fait pas partie des 18 chantiers prioritaires retenus, entièrement financés par le Loto.
Je vous l’ai rappelé dans CHEVERNY 1, le droit de colombage et dans un pigeonnier à pied (c’est à dire présentant la bâtisse isolée du corps du logis) était strictement réservé aux seigneurs hauts justiciers.
Et quand on se souvient, que Cheverny, le grand château, n’a que… 1300 boulins, on peut comprendre quel puissant symbole de prestige et de richesse, Villesavin exhibe, ce qui ne laisse clairement aucun doute sur la relation forte et particulière de Jean Breton et du roi François 1er.
Eh bien, finalement, tout compte fait, Si ! vous en verrez l’intérieur avec son échelle tournante bien en place. (photo du dépliant du château quelque peu… arrangée !) Quel graphisme somptueux dans ces nids d’ombre et ces volutes de lumière.
En fin d’après midi, nous étions à Chambord, au soleil couchant.
