De Fianarantsoa à Manakara par le train F-C-E (4)
Ionilahy, Mahabako, Fenomby, Sahasinaka, Antsaka, Mizilo, Ambila
Plus que jamais ces petites gares qui défilent à intervalles serrés sont bien des métaphores de la vie.
Mendiants, vieillards, écoliers, écolières en blouse bleue, cultivateurs, manoeuvres, désoeuvrés, nombreux bébés sur les hanches ou dans les bras, viennent au spectacle et… aux nouvelles. Fiers de cette machine grondante qui les relie au monde.
A chaque arrêt, même rituel des plateaux lestement présentés à bout de bras aux fenêtres des wagons : beignets, samoussas, bananes, maïs chaud, écrevisses, feuilles de bananiers fourrées de riz pilé, feta = pâte de banane et de manioc, roulée pareillement dans des feuilles de bananier mais encore biscuits cigarettes et sodas… mais aussi jeunes enfants présentant quelques bouquets rustiques de jolies fleurs champêtres ramassées à la hâte ou rameaux d’hibiscus.
«Ça va, Wazaha ?» Souriants et étonnés de leurs propres paroles en français !
Enfants, mains tendus en bouquets « Donne-moi Wazaha… donne-moi Wazaha » … tout, n’importe quoi, mais donne-moi ! Jeux ? Mendicité réelle installée ? Méfaits du tourisme ? On a vu ça en Casamance après l’implantation du Club Med et les hordes de touristes sillonnant en rang serrés les pistes du pays Floup.
Je finis par penser que cela fait partie de l’attraction du train en voyant une malgache lancer des bonbons à la volée ! Provoquant une quasi émeute.
Sahasinaka. A la saison, qui va commencer bientôt, on exporte ici plus de 5 500 tonnes de litchis (Guide F-C-E). Il est environ 14 heures quand nous repartons.
Au fur et à mesure de notre progression, les Wahaza, peu à peu rassérénés descendent plus volontiers se mêler aux foules compactes et jacassantes, curieuses et toujours bienveillantes.
Le viaduc de Sahasinaka, au PK 121 entre la gare de Sahasinaka et celle de Mizilo à une cinquantaine de km de Manakara, est un ouvrage capital, l’un des plus grands de la FCE (228 m de long mais lui aussi datant d’un presque siècle … C’est aussi de ce viaduc que dépend la survie de la ligne, car de sévères brèches dans les piles hautes de 30 m mettent carrément l’ ouvrage en péril. Un programme de réparation est financé par l’UE.
Je me disais, en le regrettant un peu, qu’on était privé de bruits, de contacts, d’odeurs, de volailles, de fruits à même le sol envahissant tous les recoins, d’ustensiles divers et marchandises ramenées de la grande ville, et autres mystérieux ballots… Privé de vie, quoi, dans ce wagon ! J’avais bien tenté de faire une visite dans un wagon de 2ème classe, mais outre que les entrées restent fort encombrées aux arrêts, comme on peut voir ci-dessous, il m’est apparu, après avoir réussi à passer la tête, qu’il était impossible de se mouvoir dans le compartiment tant il y avait d’obstacles divers à enjamber… car finalement peu de voyageurs malgaches quittaient leur place durant les arrêts.
Mais voilà que désormais chaque gare introduit son lot de voyageurs nouveaux qui viennent progressivement envahir le compartiment de leurs bagages, glacières et ballots et s’asseyant même par terre par défaut de places n’osant pas trop s’entasser sur les banquettes déjà occupées par les Wahaza, transformant dès lors, la 1ère en 2ème classe, la crasse en moins… nous gratifiant ainsi de l’immersion totale.