CHATEAU d’AZAY-LE-RIDEAU 2
Suivons cet escalier qui grimpe joliment sur trois étages, guidés par sa rampe entièrement sculptée dans le mur. Quelle élégance !
Et chaque palier, appelés jadis fort justement «repos» vous offre une vision de plus en plus plongeante sur la face est.
Sans compter que des bijoux de sculpture animent ses voûtes et que des modillons et des culs de lampe parfois bien fantaisistes vous interpellent insolemment.
De chambres en salons notre déambulation est en permanence sollicitée par des tableaux aux murs, nous rappelant que Armand-Marie-Antoine de Biencourt et son épouse nourrissaient une véritable passion pour la peinture et écumaient les ventes publiques et les galeries n’ayant de cesse d’agrandir leur collection familiale.
Ainsi cette dame de la Renaissance lisant, peinture anonyme du XVIIè sur bois,
… ou ce tableau de Jan Massys, Psyché apportant à Vénus le vase de Proserpine, déjà accroché au XIXè dans la salle de billard des marquis de Biencourt
Andromaque s’évanouissant en apprenant la mort d’Hector
Attribué à Cornelis van Haarlem (1562-1638), peintre flamand, ce tableau daté de l560 est peint d’après une célèbre composition du Primaticio aujourd’hui perdue.
Le tableau évoque un épisode funeste de la guerre de Troie relaté par Homère, dans l’Iliade : Andromaque entourée de tous ses proches s’évanouit en assistant en direct à la mort de son époux Hector traîné par le char d’Achille sous les murs de Troie.
Si vous êtes un fan des peintures de Cornelis Cornelisz de Haarlem, je ne vous apprendrai pas son goût têtu pour les gros plans de fesses sublimes (hommes ou femmes d’ailleurs) et généralement dûment orientées vers le spectateur (témoin son Massacre des Innocents au Rijksmuseum ou sa Chute des Titans…) Bon ! Ici les légers voiles opalescent à gauche ou safrané au centre (qui, notez-le ! ne tiennent que par l’opération du saint Esprit et que la plus insignifiante des brises pourrait » envoyer en l’air « ) ne sont là que pour confirmer… la « fêlure congénitale » des amies soutenant Andromaque, mais notez le plaisir évident à peindre ces chairs avec une variation délicieuse de carnation : de blanc diaphane à rosé dans un goût tout à fait maniériste.
La vision de Constantin, Seconde École de Fontainebleau. L’empereur Constantin allant combattre Maxence au pont Milvius, une croix apparut dans le ciel à son armée avec ces mots » In hoc signo vinces ». Il fit peindre fissa ce signe sur son étendard et les boucliers de ses soldats et… remporta la bataille. « Affaire » qui depuis l’an 312 n’a pas manqué d’alimenter les spéculations. Même voltaire en a dit son mot dans son Dictionnaire philosophique !
Belle trouvaille que ce rectangle de ciel bleu et pour tout dire inespéré dans cette composition austère en noir et blanc
Peinture à l’huile sur toile du XVIè siècle (1590) de Marguerite de Valois, l’une des filles de Catherine de Medicis et d’Henri II. Mariée à son cousin protestant Henri de Navarre le 18 août 1572, cette union fut l’une des causes de la Saint Barthélémy. Les deux époux se séparèrent très vite et le mariage fut annulé en 1599. Antoinette Raffin, petite fille du capitaine de la garde Antoine Raffin qui hérita du château donné à son grand père par François Ier, était une demoiselle d’honneur de la « Reine Margot ». A noter la tenue renaissance par excellence : la fraise en dentelle empesée très en vogue.
Observons aussi le revêtement du mur de support du tableau. Le château d’Azay-le-Rideau a voulu faire revivre cette tradition des nattes de joncs qui recouvraient souvent les intérieurs de la Renaissance (Il y en avait dans la chambre de François Ier au Louvre). C’est une fabrique anglaise, la maison Rushmatters qui a assuré cette reconstitution d’époque : couper les joncs, les humidifier, les tresser à 5 branches et les assembler en lais. Chapeau bas !
Henri III Roi de France et de Pologne. De Pologne !? Dites-vous ?
Ceux qui suivent avec attention ce Carnet de voyage ne seront pas surpris par cette drôle d’inscription.(cf Chenonceau 3 )
On a vu avec quelles incroyables contorsions, Catherine de Médicis avait réussi à faire élire son cher Alexandre Edouard roi de… Pologne ! Moins de trois mois après son arrivée dans ses Etats, un messager de sa mère, lui apprend la nouvelle de la mort de Charles IX son frère.
Fuir ! Ô Fuir ! là-bas! Fuir ce sinistre château du Wawel, son « enfer » !
Après un fantastique banquet où une bonne partie de la noblesse polonaise fut enivrée avec méthode mais sans difficulté particulière, le roi, tout enjoué et magnifiquement cérémonieux, procéda, face à ceux de ses dignitaires qui pouvaient encore se tenir debout, à la quotidienne cérémonie de son coucher.
Et, poursuit le chroniqueur, « L’instant d’après, lesté des diamants de la couronne qu’il avait décidé d’emporter, le souverain faisait feu des quatre fers le long de la Vistule, ignorant qu’à peine franchie une poterne dérobée du palais, ouvrant sur les faubourgs mêmes de Cracovie, un cuisinier, moins éméché que les autres, avait donné l’alarme. »
Le voilà donc, lui et les siens talonnés par une centaine de Tatars farouches, avec mission de le ramener coûte que coûte à Cracovie et … avec le trésor volé de la Couronne. GrÔsse poursuite ! Et c’est après avoir abattu au dernier moment, juste derrière eux, le pont branlant d’une rivière qu’Henri de Valois, encore roi de Pologne mais déjà roi de France, franchissait d’extrême justesse la frontière autrichienne. Parfaitement rocambolesque ! Et c’est ainsi qu’il arriva à Venise.
Procession d’Henri III à Venise, Attribué à Jacopo di Antonio Negretti, dit Palma le Jeune.
Rien ne manquait à cette fiesta somptueuse honorant Henri III, le tout prochain roi de France à son arrivée à Venise. La Sérénissime avait usé des grands moyens ! Un Te Deum y était chanté dans une loggia impressionnante, qu’en moins d’un mois le génial Palladio avait réalisée et le Doge avait sorti son plus beau Bucentaure pour remonter le grand canal et conduire Henri en son palais Foscari (rien que çà ! C’est tu vrai/possible ?) Même que Tintoret a croqué tout çà ! Derrière le vaisseau du Doge, « les 39 gondoles noires des jeunes nobles de l’escorte, puis les 70 gondoles cramoisies de la délégation du Sénat, la galère de Soranzo, 150 brigantins des corporations, rivalisant de luxe et, fermant la marche, 15 brigantins de l’ordre des Savi, enfin 50 gondoles dressées par diverses personnalités » pendant que toutes les cloches de la ville sonnaient à la volée. Bellissimo ! Et pendant 9 jours ce ne fut que fêtes étourdissantes.
Sans compter les plus jolies femmes de l’aristocratie, sans oublier la célèbre courtisane Veronica Franco. Non, Venise ne ne fut pas qu’une étape, ce fut … un tournant pour le jeune monarque.
Voici la Chambre de Psyché avec trois tapisseries en laine et soie fragment d’une grande tenture illustrant l’histoire de Psyché qui comptait à l’origine au moins 17 pièces. Probablement tissée à Bruxelles vers 1562-1567 pour la famille génoise Pallavicino d’après des cartons de Giovanni Battista Castello.
Psyché et Cerbère. Elle l’amadoua avec un gâteau composé de miel de fruits et d’herbes soporifiques que le monstre engloutit avant de tomber presto dans une profonde léthargie.
Les tapisseries représentent le repas de Psyché dans le palais de l’Amour ; Psyché recevant ses soeurs dans le palais, découvrant l’Amour endormi (histoire bien connue (cf Valençay 2), le trahissant et l’Amour s’enfuyant …
A cela les artistes plasticiens Piet.sO et Peter Keene auteurs des « Enchantements d’Azay » ont conçu et ajouté cet automate en robe bleue tournant sur lui-même : étrange personnage portant une lanterne et vêtu d’une robe décorée de miroirs (photo 1 de la Chambre). C’est Psyché-soi-même, (référence au miroir du personnage), observant son histoire qui se déroule sur les tapisseries murales…
… Sous l’oeil paradoxal et fuyant de cette étrange et aristocratique Bécassine dont je ne sais… RIEN.