KOCHI (Fort Cochin) 2
C’est toujours à Kochi que nous allons assister à une représentation de Kathakali : sorte de théâtre épique dansé qui rassemble différents moyens d’expression, danse, mime, poésie, chant, rythme, maquillages et costumes pour divertir certes mais… instruire.
Contrairement à nous où le théâtre a été vite déclaré perversion et où l’église a excommunié d’office les comédiens, ici l’art du théâtre est conçu pour exalter les valeurs religieuses, sa fonction est d’instruire « tous les hommes » sur les fondements de l’hindouisme par la narration théâtralisée de quelques grands Textes.
Pendant que les spectateurs pénètrent dans la salle obscure, nous assistons aux lents préparatifs de la métamorphose de ces acteurs humains en semi dieux : maquillage, habillage, objets décoratifs, coiffures…
Ici un pachcha, personnage noble maquillé en vert avec son étrange bordure/barbe, (le chutti)
Le costume et les ornements sont de l’artisanat portés à un haut niveau de perfection et réalisés par des spécialistes. Tiare sublime, gilet, parures et colliers…
À la fois danseur, comédien, conteur, l’artiste de Kathakali, a la capacité de jouer tous les types de personnages, féminins ou masculins, dieux ou démons, héros, animaux…
Voilà ! la représentation commence par les crépitements du tambour qui maintiendra tout au long son cycle rythmique auquel viendra parfois se superposer un mode mélodique scénarisé par les personnages, tout cela parfaitement défini par l’auteur de la « pièce ».
Même pour les ignorants que nous sommes, je pressens une extraordinaire et savante grammaire corporelle, fruit sans doute d’un long et redoutable apprentissage.
En fait, le corps dansant de l’acteur s’empare de chaque mot du texte pour tenter de l’exprimer par le rythme, le mouvement, le déplacement et bien sûr les mudra et j’avoue que j’ai été complètement fasciné par ce jeu signifiant et inlassable des mains, dont j’ignore pourtant tous, absolument tous les codes : un vrai touriste. Finalement les remuements des mains ( mudra ) subjuguent plus que celui des yeux dont on soupçonne pourtant la grammaire savamment codifiée !
A noter l’épreuve physique due à l’inconfort de ces vêtements empesés qui corsètent, aux lourds maquillages, à la chaleur (tropicale) de spectacles qui peuvent durer jusqu’à 5 heures…
Ce magnifique spectacle atteste d’un programme d’apprentissage très pointu par les Maîtres au Kalamandalam (où nous irons dans quelques jours et dont je rendrai compte plus tard dans une galerie) autant pour les danseurs/acteurs, que les percussionnistes, les chanteurs et bien sûr, les maquilleurs.
Sous une lumière totalement pourrave, on a fait un tour de barque plutôt sympathique sur ces eaux animées, d’une rive à l’autre et je confirme : même si la belle lumière chaude du couchant était (en vain !) attendue, le graphisme de ces filets alignés ne manque d’intérêt.
Ceci dit, il s’agit d’avantage de pièges à touristes et photographes ravis de ces graphismes en plein ciel que… de véritables attrape-poissons 🤪
Certes on en verra d’autres dans la campagne mais ceux de Kochi impressionnent par leur dimension.
Willingdon Island, la Capitainerie du Port
Ceux-ci paraissent plus récents, moins rustiquement bricolés.
Promenade dans le quartier des Brahmanes.
Rituels des kōlams, ces dessins à main levée en laissant s’écouler de la farine de riz mélangée à de la craie. Ils sont dessinés chaque matin devant l’entrée des maisons après avoir nettoyé ceux de la veille.
Art éphémère qui réunit Mystique et Géométrie subtile, plutôt pratiqué par les Tamouls (d’ailleurs le terme kôlam est Tamoul). Élémentaires ou sophistiqués, à la poudre blanche ou en couleur (rangoli). Tel un mantra.
Signaux de bienvenue, rituels d’offrande, de sanctification, de prospérité et de protection de la maison, certes mais aussi expression créative et habileté des femmes dans une émulation artistique d’un seuil à l’autre.