KOCHI (Fort Cochin) 1
Fort Kochi, le Cochim des Portugais installés ici durant 160 ans après le voyage-découverte de Vasco de Gama.
Eh oui ! poivre, gingembre, clou de girofle et cannelle valait plus que l’or : ils étaient de l’OR en Europe !
Ceci dit Cochin était un port commercial actif depuis 150 ans avant l’arrivée des Portugais.

Tout le charme et la nostalgie des vieux comptoirs, avec cette touche d’avant, comme une parenthèse oubliée de l’histoire, que quelques bâtisses racontent encore.

Ainsi cette bâtisse, Aspinwall and Company qui représente l’ère de prospérité des entreprises privées britanniques à Kochi au XIXè. Construite par John H Aspinwall, cette Maison d’Import-Export commercialisait épices (poivre surtout, le plus rentable), huile de coco et coprah, cordes, nattes, tapis en fibres de coco (coir), café, thé (produit colonial clé), peaux et cuirs etc.
Elle ne doit sans doute son côté pimpant de rescapée des ravages du temps qu’au fait qu’elle abrite désormais La Biennale des Arts de Kochi-Muziris qui expose en avril des artistes d’une trentaine de pays, affirmant sa multiculturalité.

Si une ville représente bien cet empire des eaux des Backwaters, c’est bien Kochi dont la topographie évoque un véritable archipel d’îles et presqu’îles irriguées par 7 rivières.

D’ailleurs on y voit le positionnement de notre hôtel : au coeur des eaux… d’avant et d’arrière !


Grande animation au Ferry de Fort Kochi pour Ernakulam






Près de l’embarcadère, sur le rivage, d’immenses filets de pêche (grands carrelets) aussi archaïques qu’ingénieux avec leur système de perches de bambou et de teck liées, de cordes, de poulies et de contrepoids de grosses pierres, servant à baisser et relever les filets

On les nomme filets chinois (« chinavala » en malayalam), car installés et utilisés par des commerçants chinois vers 1350, détruits par les arabes un siècle plus tard et réintroduits au XVIè par les Portugais

L’installation à demeure des oiseaux laisse à penser que quelques prises s’y font tout de même.



Petite balade dans ce Fort Kochi dont quelques traces rappellent les mouvements cosmopolites de son histoire où se sont succédées les puissances maritimes du monde entier : phéniciens, arabes, portugais, hollandais, anglais…
Pourquoi ??? Parce que les Épices !

De vieux entrepôts quelque peu moisis attestent de cette fièvre du commerce et des épices y sont encore stockées, séchées. Bien que aujourd’hui les machines industrielles sèchent, trient, pèsent et empaquettent les épices à grande vitesse ! Des Romains aux Phéniciens, en passant par les marchands juifs de Venise, ou ceux de la péninsule Arabique, mais aussi les navigateurs portugais, hollandais et britanniques, le Kerala était la terre promise des épices et Port Kochi en était le centre mondial. Aujourd’hui encore, poivre (l’ex or noir dont les grains pouvaient même être utilisés comme monnaie d’échange), cardamome, curcuma, noix de muscade, macis, gingembre se vendent aux enchères au fond de cours discrètes …


Dans Fort Kochi de grandes bâtisses construites par les Hollandais au XVIIè siècle côtoient des églises portugaises ou encore des entrepôts britanniques. Ces vastes demeures peintes à la chaux blanche, avec leurs larges fenêtres en bois de teck et les bougainvilliers qui débordent de leurs façades, ont souvent été transformées en hôtels.

Ainsi l’hôtel Fragrant Nature Kochi (jadis entrepôt appartenant à la Compagnie britannique des Indes orientales,)

Grandeur et luxe, avec cette imposante cour intérieure entourée de ses 4 étages qui la dominent, ses sols en marbre poli en forme d’échiquier, sa fontaine en marbre et cette fastueuse peinture évoquant la fébrile activité portuaire d’antan.





Ces jeunes filles en fleur («forever young» qu’énonce leur courroie de sac 😄) se dirigent vers l’escalier d’accès du palais Mattancherry.

Le palais Mattancherry, nommé Palais hollandais, bien que construit vers 1545 par les… Portugais en guise de cadeau au Raja Veera Kerala Verma de la dynastie des Kochi.
Vous n’en verrez rien, car, photos strictement IN-TER-DI-TES 😫
Deux étages avec les habituelles armes en tout genre, tenues traditionnelles, pièces historiques et portraits de Rajas et autres sommités. Le plus intéressant est certainement la collection de peintures murales. Celles-ci décrivent de grands moments du Ramayana et du Mahabharata, sans compter quelques figures du panthéon Hindou : la superbe Lakshmi assis sur un lotus, Vishnu endormi, Shiva et Parvati assis, Rama, Krishna… Bon ! Tant pis ! Pas de photos, d’autant que l’éclairage est pourri et qu’il y a foule… de «forever young» en particulier.

Promenade dans le Quartier juif, Jew Town où désormais de nombreux musulmans du Cachemire ont ouvert des commerces pour touristes. Ces boutiques-musées entre autres nous attirent par leurs objets délicieusement exotiques. Mais Basta ! plus un pouce de libre en notre demeure pour la moindre broutille, fût-elle de génie.





Voici la Synagogue jouxtant le temple du palais de Mattancherry sur un terrain alloué à la communauté par le Rajah de Cochin à côté de son propre palais. L’étroite rue qui y mène est bordée de part et d’autre de maisons qui appartenaient autrefois à des juifs qui vivaient là.

C’est la synagogue de la florissante communauté juive des Paradesi (dont une grande partie de Séfarades de Grenade). Très ancienne donc !
Cependant la première vague d’installation des juifs au Kerala pour y commercer est bien plus ancienne, bien avant la destruction du temple de Salomon dont on a vu que ses richesses étalées lui provenaient du Kerala via les bateaux phéniciens et le port de Tyr soit au VIIIè s. av-JC.
Et la diaspora s’est développée au cours de l’histoire avec un pic lors de la célèbre date de 1492 et la libération totale d’Al Andalous. En particulier des séfarades expulsés du royaume de Grenade… Hispanophones, fiers de leur peau claire, et … un tantinet racistes, ils ne se mêlèrent guère aux juifs locaux plus basanés les « juifs malabari » et furent donc nommés « juifs paradesi » = étrangers.
Mais, beaucoup de Paradesi, ont intégré l’état d’Israël à sa création en 1948, d’autres sont partis dans les années 1970 chercher un meilleur travail, en Israël pour les trois quarts, les autres aux États-Unis, au Canada ou en Australie.
Une inscription en hébreu exposée sur le mur de la cour précise la date de la première construction : 1344. Diable !

La tour de l’horloge de la synagogue et son clocheton (à cloche ! pour sonner la prière !) avec son épi de faîtage et son toit en cuivre a été réhabilitée en 2006. Sur chaque face de la tour est installée une horloge mécanique, dont chacun des cadrans en teck peint en bleu, présente les chiffres des heures dans une langue différente : romain, au sud (sur la photo), hébreu, malayalam et arabe sur les autres faces. Ceci rappelle que dans cette ville et toute son agglomération, aujourd’hui peuplée de plus de 2 millions d’habitants, hindous, chrétiens, juifs et musulmans ont cohabité pendant plusieurs siècles. Alors que l’actuelle exaspération du militantisme hindou violent ne laisse présager rien de serein !
Si d’aucuns trouvent à cette tour un air hollandais, cela ne relève pas du mystère puisque datant de 1760, elle a été construite sous la direction d’Ezekial Rahabi, figure de proue des Juifs du Kerala à l’époque et représentant de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales après que les Hollandais eurent repris le contrôle de la ville et chassé les Portugais.

Voici la Tebah, au centre, l’estrade, la chaire où on lit les rouleaux de la Torah lors des offices, en forme de lyre entourée d’une balustrade en laiton poli, surmontée d’une petite rampe terminée par des volutes toujours en laiton poli. Elle est éclairée par des coupoles en verre perchées sur des hampes de laiton finement ouvragées.
NB : Dans l’angle droit de la photo, en haut, une partie du heckal précédé de 3 marches où sont religieusement entreposés les rouleaux de la Torah. Hélas je ne puis vous montrer la photo de l’ensemble du heckal car… elle est floue : honte à moi, faut dire qu’au 1/6 de sec…😫 C’est une pièce richement ouvragée avec de chaque côté une double colonne surmontées de festons et de guirlandes entourant une couronne, le tout sculpté dans du bois de teck recouvert de peinture dorée rehaussée de rouge. Le «trésor» est caché à la vue par la tenture noire que vous apercevez, décorée du chandelier à 7 branches.
A l’intérieur de la synagogue, le ciel est constitué de luminaires multicolores en verre, bleu, vert, rubis et de lustres en verre belge scintillant, le sol est revêtu de carreaux bleus à motifs de saule peints à la main importés de Canton… ou ??? des pays Bas, ça se discute encore !!! Mais, pour qui a été à Delf, il n’y aurait pas de contre-indication 😜
