Le patrimoine bâti vernaculaire (1)
On l’a déjà vu, à la naissance de l’Hôpital d’Aubrac le territoire est déjà étroitement quadrillé par des seigneuries laïques et tout un réseau d’églises paroissiales romanes dépendantes des 3 diocèses, Clermont, au Nord, Rodez et Mende.
Ainsi, au nord, le village de Saint-Urcize se dresse à 1000 mètres d’altitude sur son rocher basaltique dominant les vallées de l’Hère et du Bès. Il se sent tellement d’Aubrac que le conseil municipal a refusé de s’intégrer à une intercommunalité liée à Saint Flour (n’oublions pas que Saint-Urcize est dans le département du Cantal)
ÉTONNANTE, l’origine de ce nom ! et bien vieille histoire : Urcisse (le pieux) évêque de Cahors participe en 590 au IVè Concile d’Auvergne qui se tient aux confins de l’Auvergne, du Gévaudan et du Rouergue. Il s’agit entre autre d’arbitrer une action pour cause d’adultère et de spoliation dirigée par le comte d’Auvergne Eulalius, contre son ancienne (et non moins délicieuse) épouse Tétradie veuve de Didier, duc de Toulouse. Ecco ! Une histoire d’évêque, en somme ! 🤪 Mais comment sait-on tout cà ?
Mais par les écrits de Saint Grégoire, historien de la mémoire des choses passées, à destination des hommes à venir.
Comme le fameux concile se tint sur son territoire, le village prit désormais le nom de Saint-Urcize, en référence au saint évêque de Cahors.
Tout cela près de la (célèbre) « Croix des Trois Évêques » que les moines d’Aubrac érigèrent au XIIIè siècle pour commémorer cet événement. Cependant la croix que l’on voit de la Route, tout près d’Aubrac n’est pas/n’est plus à la frontière des 3 diocèses, elle a été déplacée (pour la rapprocher des touristes paresseux ???). Son lieu d’origine était le Puy de Gudette à l’exacte point de jonction des 3 diocèses, donc sur le territoire de Saint-Urcize. D’ailleurs la vraie Croix, l’originale, celle des moines… a été volée (Sic). Sans doute un caminaïre fervent et… exalté qui l’a mise dans sa besace : 300 kilos ! 🤪
Dès le XIè siècle, Saint-Urcize devient le siège d’une puissante seigneurie dont les seigneurs dominants à l’époque de la Dômerie seront les Canilhac. C’est sur l’actuel rocher de la Vierge que se dressait le chateau fort (rasé après condamnation à mort le 25 janvier 1666 du brutal marquis de Beaufort-Canilhac) dominant, comme on peut le voir quand on y grimpe, le bourg et la vallée de l’Hère.
Cette tour carrée aux bien belles pierres paraît le seul vestige de l’ancien château.
Bien beau village aux toitures d’ardoises grises et de lauzes (baignant dans la lumière de mai) que surplombe le clocher à peigne de l’église romane du XIIè siècle.
Fort intéressante cette église, sous la double invocation de Saint-Pierre et de Saint-Michel : à l’extérieur, deux éléments attirent l’oeil. Inéluctablement. Le clocher à peigne, bien sûr et le chevet.
Le clocher à peigne, et ses quatre baies, bien éclairé par le couchant, puisque orienté à l’ouest. La cloche la plus petite daterait de 1583, portant encore les initiales du fondeur.
C’est le chevet et ses colonnes, partie romane la plus ancienne qui attire l’attention. Le mur circulaire du chevet est percé de trois baies et décoré de neuf arcatures supportées par des colonnettes.
Notez la corniche à corbeaux parfois sculptés et leur belle polychromie.
Et les croquignolettes absidioles en hémicycle sont percées d’une petite baie romane
Magnifique polychromie des pierres égayant l’ensemble de blocs de granit
Voici le choeur, sa coupole élevée sur 2 hauts piliers, présentant un déambulatoire voûté en quart de cercle, caractéristique des églises de pèlerinage (comme à Conques)
Notez les 9 arcatures et leur colonnes supports aux chapiteaux ouvragés de feuillages
Circulation des pèlerins, derrière le choeur (ceux qui ont été à Santiago de Compostella savent de quoi je parle !) par le déambulatoire qui les conduit à la relique à honorer : Ici Saint Urcisse
Et l’on ne peut oublier qu’un itinéraire du Camino venant de la Chaise-Dieu et descendant vers Conques transitait par Saint-Urcize, on peut noter la symbolique coquille sous le porche d’entrée de l’église.
À l’entrée du déambulatoire, statue de Saint Roch en pèlerin de Compostelle ( bourdon et gourde, coquille derrière sa tête ) et … son chien chien nourricier ( mais si, derrière les fleurs ! ) en bois doré. L’originalité est ici cet angelot qui désigne la plaie, alors qu’habituellement, c’est le personnage lui-même qui montre le bubon de sa jambe gauche. De plus, il a troqué son habituel chapeau à large bord contre… une manière de couronne (?)
à droite et à gauche on voit s’ouvrir deux chapelles, à l’entrée, chapiteaux sculptés et ornés de de feuillages et griffons ailés
Attention, est conservé ici un calice datant de 1714/1715 en argent repoussé, ciselé, gravé et doré d’une sobriété étonnante pour l’époque mais d’un pur travail… d’orfèvre. Ce calice aurait été utilisé au cours de la messe célébrée par le confesseur de Louis XVI, l’abbé Henri E. de Firmont, à la prison du Temple … le matin même de l’exécution du roi. (Si faict !)
Balade sympa à l’intérieur du village
C’est à la demande de La Poste que la Commune a dû attribuer un nom à chaque rue et le mentionner sur ces plaques émaillées de couleur verte.
A noter la Maison Podevigne des XVè et XVIè à quatre baies gothiques agrémentées d’éléments sculptés (joueur de tambourin et galoubet (flûte) à gauche, sirène à droite, petit personnage escaladant des consoles à une fenêtre de l’étage…).
Et, bien entendu, la maison Vigouroux, une bien ancienne dynastie de boulangers/pâtissiers
Prades d’Aubrac. Voilà encore une paroisse qui va bénéficier de l’efficace puissance organisatrice des religieux de la Dômerie d’Aubrac, lesquels vont assurer sa prospérité. Sans compter les 3 foires annuelles et un marché hebdomadaire accordés plus tard par François 1er en visite à la Dômerie.
Et c’est vrai que ce village respire l’opulence, étagé sur ses belles prairies. Prade = prairie en occitan ( al foun de la prado … )
Ensemble plutôt gothique que cette église Saint-Laurent de Prades-d’Aubrac ( le saint est représenté à gauche du retable tenant un livre et une palme ). La Fondation du Patrimoine a lancé un appel aux dons pour un programme de rénovation et de valorisation de l’édifice.
Étonnant clocher composé sur une base carrée mais qui se termine en octogone avec quatre glacis de corniche aux angles qui assurent la transition.
Sur une face, une surprenante tourelle
Ample porche ou l’on accède par un bel escalier, on est accueilli par une Pieta sculptée en pierre tout au-dessus du portail d’entrée. Du XVè avec des traces de polychromie.
Intéressante cette voûte typique d’une voûte à liernes et tiercerons (Puisqu’on vous le dit !) : Sans lever le nez et vous briser la nuque, vous pouvez voir ici les huit tiercerons (nervures) qui partent des quatre médaillons jusqu’aux quatre extrémités de la voûte. Et les 4 liernes qui relient la clé de voûte aux 4 médaillons. On peut alors vérifier que la voûte est divisée en 12 parties. Belle réalisation.
Sur le médaillon du centre, Blason de Prades : deux bourdons de pèlerin croisés, croix de Malte et trois coquilles de Saint Jacques