L’AUBRAC ou le Règne minéral (1)
Si l’Aubrac impose à nos yeux et à notre esprit une extraordinaire simplification des lignes, on ne peut manquer d’être impressionné par le silence minéral assourdissant des blocs qui hérissent le plateau en nombre considérable, formes innombrables qui déconstruisent / enrichissent ? l’abstraction et la netteté des lignes et… interpellent sur la genèse tourmentée de la planète Aubrac.
En effet, le Feu et la Glace bien avant les humains ont façonné sans relâche ces paysages.
A première vue ce sont les blocs granitiques parfois en grande abondance, parfois de grande importance émaillant les espaces qui sollicitent la curiosité et l’attention. En certains endroits ils ont quasiment dévoré les pâtures et cohabitent avec les vaches pour … le bonheur du photographe
Quelle fascination quand on parcourt l’Aubrac devant ces sentinelles de pierre que l’imagination pourrait considérer comme les témoins taiseux d’une pluie minérale souveraine. Erratiques ! Ce terme ne pouvait sonner si juste et… si vrai pour ces «aérolithes» que sans doute le hasard a fait accoster ici et là en ces lieux.
Car en vérité ces hauts fonds tapis dans les océans d’herbe ont été détachés, séparés, arrachés, puis emportés, bousculés, culbutés, charriés, et abandonnés là tout net par les glaces tout puissantes. Certains rabotés, façonnés, sculptés, même ! Une calotte de glace de 200 à 300 m d’épaisseur disent les seusses-qui-sçavent recouvraient le plateau sur 500 km2 il y a … 20 000 ans !
Lentement rabotés par l’épaisse calotte glacière, ces blocs en ont conservé, une douceur, un poli qui les font nommer : roches moutonnées. Quelques héritages volcaniques modelés lors de la dernière glaciation, par exemple ci-dessous ce plateau rocheux du lac des Picades strié par les moraines et magnifiquement poli… tel qu’on en rêverait sur le rocher terrasse de notre maison où jamais le moindre glacier n’a pointé son nez 🤪
Ainsi les moraines ont nonchalamment, lors de la fonte des glaciers, convoyé des amas de débris qu’elles ont abandonnés çà et là dans un immense désordre.
Débris que les humains désespérés par toute cette surface de pâturages perdue, ont tenté d’abord d’utiliser dans d’improbables murets, marqueurs identitaires évidents de ce paysage dont certains, de bonne taille puis de les regrouper en monticules à défaut de les éliminer.
Aussi ont-ils puisé abondamment dans ces stocks ahurissants de matériaux d’où ces murets somptueux qui quadrillent l’espace, suivent les pentes, les coupent en diagonales, escaladent les monticules, serpentent, enserrent les villages, élaborent les enclos et engendrent les drailles sinueuses.
