Une saison à Hato Piñero (7)
Où l’on découvre avec ravissement que le chigüire, baptisé catholiquement à son insu capybara, renommé à l’insu de son plein gré Hydrochaerus hydrochaeris et toc ! par nos admirables scientifiques, cochon d’inde surdimensionné, hippopotame sousdimensionné, espèce de canard souséquipée, philosophe hédoniste invétéré, s’est soudainement trouvé transsubstancié en… poisson par la vertu mirifique d’une bulle papale. Nôooooon ? Si !
🔎 On pourrait grandement s’étonner de la coutume immuable au Venezuela de manger de la viande de chigüire précisément à l’époque du Carême et de la Semaine sainte, alors que ce pays fort religieux ne peut ignorer la tradition catholique interdisant de consommer de la viande en ces périodes de jeûne douloureux et d’intense pénitence. Pourtant nos doctes savantissimes restent péremptoires : même avec d’extrêmes contorsions et autres pittoresques anamorphoses, le chigüire, mammifère rongeur évident, ne saurait être … un poisson.
Qu’à cela ne tienne ! nous avons avec les arrêts du ciel certains accommodements… qui dépassent l’entendement. Jubilatoirement.
Ainsi, il advint donc qu’au 16è siècle une bulle papale urbi et orbi autorisa fort à propos la consommation de chigüire à cette époque de l’année, au delà même de Carême Prenant. Sans offenser le ciel puisque l’aimable rongeur fut déclaré POISSON ! Et voili ! Et Dieu vit que cela était bon.
« Que voilà, mes zammis, une raison itérative, mais qu’elle n’est pas subséquente de la chose et que p’sitivement elle me stupéfactionne de renversement ! » s’écria alors le sapeur Camember
– J’ai la bonde dans votre sens, c’est aussi itérativement mon avis… et je le partage.
Mais alors, si la noble raison était que l’on ne pouvait laisser mourir de faim les catholiques populations privées de poisson, sous le vain prétexte que Jésus était sur la croix, que n’a-t-on poussé la bulle plus loin à décréter que le gros gras grand frère hippopotame était aussi un poisson pareil au même ? 😜
Et l’on découvre alors que la pôvre bêêteuh a l’amabilité d’offrir délicieusement, durant la Semaine sainte, sa chair assaisonnée d’ail, d’oignons, de piments doux et de coriandre, bref, tous les « aliños » nécessaires, accompagnée de fèves noires ou de manioc dans un mets appelé pisillo de chigüire : « ceci est mon corps, mangez en tous »
Et que les vénézueliens lui trouvent un fort goût de poisson. 😜 Viva el Papa : infaillible comme chacun sait ! C’est ainsi qu’Allah est grand… et que l’éléphant est irréfutable !
Mais lui ! Son prédateur naturel ! Savez-vous qu’on l’a cherché ? Tous les jours. Oui mais pas la nuit ! Car il chasse… tous ses sens en éveil et là, pas question de l’approcher. Tous les jours on a écumé les petites mares et tamisé les caños qu’il aime tant, on le sentait là, tout près, somnolant, la tête dans les herbes épaisses. Sans réussir à le voir pourtant LUI, l’Anaconda ! Et ses 8 à 10 mètres !
Mais les Gilles & Co, eux, eurent plus de chance que nous et non seulement virent mais touchèrent cet anaconda guerrier dont le seul nom fait frissonner nos mémoires reptiliennes.
Animal sacré pour les indiens il fut appelé matatoro par les colons espagnols, le tueur de taureaux. Mais il boulotte avec la même allégresse tapirs, cervidés, pécaris, capybaras, poissons, tortues, babas, oiseaux, zébus, moutons, chiens et … l’histoire s’en souvient, humains… de tout sexe, mesdames !
Le Danta comùn, aperçu au couchant. Il est devenu bien rare, ce pauvre Tapir, en voie d’extinction, qui vit essentiellement la nuit et en général loin des humains.
Qu’il vienne là, boire au crépuscule et sous nos yeux à peine embusqués est un bon point pour Hato piñero. Ailleurs il est compulsivement chassé. Pensez ! Jusqu’à 250 kg de viande !
Et comme la femelle ne fait qu’un seul petit et le porte 13 mois, on comprend que sa survie parmi les humains ne tient pas à grand chose.
Pêche au caribe (piraña), un des mets préféré des babas et … de nous aussi, dégusté frit avec des citrons verts.
Ses dents acérés sont à la mesure de son appétit de carnivore assumé !
Encore un magnifique emplumé au bec inimitable, le piapoco a la garganta blanche et au pico rouge
Somptueux Guacamayos. Ces tectrices infra/sub/supracaudales aux lumineuses couleurs : des rouges, des bleus, des jaunes, des vertes ! Et ce manteau ! Ce manteau !
Que même le Grand Salomon, dans toute sa splendeur, n’était vêtu comme l’un deux . Et… c’est pas moi qui le dit. 😜
Le Rey Samuro. Magnifique avec son oeil blanc cerclé de rouge pénétrant ! En voilà un autre peu commun ! Et ce qui est encore moins commun, c’est de le voir vulgairement perché sur un arbre, ce vaste oiseau fait pour planer très haut.
Gavilàn sur le palmar agonisant
Étrange cérémonie, en fin de semaine où est procédé avec gestion très rationnelle à une distribution de viande collectivement partagée avec tous les llaneros.
Et voici que le dernier jour, nous eûmes une pluie torrentielle – attendue ici depuis des mois (6 mois et demie depuis la dernière pluie) – satisfaction manifestée par tous les llaneros dont le brouhaha montant des voix inonda soudainement tout l’espace se mêlant au crépitement métallique de cette averse furieuse.
Et qu’est-ce qui apparut dans un coin de la cour dans le caniveau ?
Una baba, à peine étonnée de se retrouver au coeur des humains après avoir sans doute remonté les canaux d’évacuation des eaux de la cour.
Elle provoqua des éclats de rire et des saillies désobligeantes dans lesquelles nous ressentîmes de la tendresse.
A noter que même le chien croisant la baba ne manifesta aucune inquiétude, aucun étonnement…
Souvenirs des temps fort anciens où animaux et hommes habitaient le même monde et (peut-être?)…parlaient la même langue ?