Une saison à Hato Piñero (5)
Deux soirs de suite, à l’heure étale de l’atardecer, nous sommes revenus au Tapo de Jubo admirer ces arbres en fleurs. (sans trouver de meilleure lumière de fin de jour, d’ailleurs, et c’est là que l’on se prend à regretter le tout beau dernier boîtier de la marque jaune qui eut autorisé sans problème des photos à 6400 iso voire 12 000, plus … peut-être ?)
Note de l’éditeur : J’ai à ce jour, réparé ce manque et … je confirme : hasta 51200 iso pour le Z 6 à gros photosites
Dans une bien belle page, Rómulo Gallegos raconte le retour des hérons aux premières pluies, se retrouvant après l’exode, échangeant informations et impressions, salués par tous ceux qui n’avaient pas émigré, se disputant pour une branche, un reste de nid ancien et finissant invariablement par s’installer aux mêmes endroits que jadis. Il évoque le givre neigeux des plumes de la mue tombées pendant la nuit, éclatant partout dans la lumière de l’aube sur les branches, sur l’eau des mares et que les llaneros viennent ramasser dans l’eau jusqu’à la ceinture au milieu des babas, des raies et des des caribes. En un temps où le commerce des plumes valait vraiment de l’or.
Le héron au long bec emmanché d’un long cou, sur ses longs pieds allant je ne sais où, est présent dans toutes ses variantes à Hato Piñero : garza blanca, garza morena, cenizo, azul, reznera, paleta, pechiblanca, pechicastaña ….et ici garza real (royal ! près d’un mètre de haut). Il a largement et longtemps fait les frais du commerce des plumes, dont le terminus était les belles parures et chapeaux de nos donzelles aux jolis cheveux.
On se prend à regretter que Jean de La Fontaine n’ait jamais pu le rencontrer ce drôle d’oiseau, lorsqu’il était Maître particulier des Eaux et Forêts dans le duché de Château-Thierry : l’évocation en eut été piquante. Regardez-le bien ce beau grand (jusqu’à 1m 40) Jabiru, joliment nommé ici Garzón soldado, très collet monté, au jabot de batiste rouge, considéré comme la plus grande cigogne du nouveau monde. Regardez le bien car selon la troisième édition du Livre Rouge de la Faune vénézuelienne (2008 !!!), ce garzón soldado est l’espèce en tête de liste des 7 oiseaux en danger d’extension.
On le voit généralement avec sa douce en couple d’amoureux fidèles mais… les spécialistes sont à ce jour incapables de nous confirmer qu’il ne déteste pas les parties carrées. 😜
Et si vous le trouvez un tantinet lourdaud et empoté, sachez qu’en vol il est impérial avec ses presque trois mètres d’envergure.
Attention ! Regardez l’oiseau discret à droite du premier plan : le Tigana ! La dénomination locale ne dit rien de ce merveilleux volatile que nous nommons mieux : Caurale soleil.
Je l’avoue, votre photographe préféré s’est trouvé incapable de vous dévoiler cette petite merveille qui cache sous sa parure grise (voir aussi photos mosaïque ci-dessous) une extraordinaire palette de motifs et ocelles lumineusement rouges, jaunes, et noirs. Et pour en souligner l’élégante rareté, ce Tigana aussi est à lui seul une famille et une espèce.
Mais Anna-la-blonde, qui a ouvert pour nous le shop pourtant définitivement clos, nous a permis d’acquérir une fort jolie collection de gravures originales et là, admirons vraiment le chef-d’oeuvre dans ses rémiges et ses atours !
Vous pourriez, naïvement penser que le joli et mignon Turpial contemple longuement son nid avec fierté, orgueil, même, devant le travail accompli à la force du bec et des papattes griffues.
Eh bien ! sachez que le beau et feignant Turpial ne construit pas de nids et préfère piquer, y compris violemment, le nid des autres pour y déposer et couver tranquillou ses oeufs.
Où l’on peut voir ici que sa copine de traversin regarde son beau mâle superbe et généreux, au bec ensoleillé … avec les doux yeux de Chimène.
le même : le Paují de Copete au bec soleilleux !
Avetigre Colorada
Guacamayo, Tigana, Paroare, Hoatzin, / Corocoro colorado, Avetigre Colorada, Gavilàn, Gallito de agua, Garzon soldado, Chicuaco Enmascarado, / Tautaco, Guacamayo azul
Traité de la baba (féminin donc, en espagnol)
🔎Baba, le caïman à lunettes (Caiman crocodilus) petit mignon dépassant rarement les 2 mètres mais omniprésent dans tous les chemins d’eau et marigots à Hato Piñero. Très fier de ses belles quenottes qu’il exhibe à tout propos, il paraît un rien snob avec ses paupières saillantes reliées par une crête osseuse ressemblant à de coquettes lunettes. Ah cet anthropomorphisme indécrottable ! 😜
Attention : Ce sont les animaux les plus vieux de la terre (-200 millions d’années) : ils existent depuis le temps des dinosaures. Mais peuvent sans problème devenir nonagénaires.
Quelques merveilles de technologie tout de même :
– Les yeux et les narines sont situés au dessus de la tête afin de voir et de respirer au dessus du niveau de l’eau lorsque leur corps est immergé.
– Les yeux sont recouverts par trois paupières. Quand le caïman est en plongée, l’œil est protégé par une paupière transparente, les narines sont fermées hermétiquement par un muscle. L’oreille, située derrière l’œil, est protégée par une grosse écaille.
– Sans compter les lunettes, à verres fumés (ah ! ça je n’en suis pas sûr !)
– L’ouïe et l’odorat sont très développés.
Ah j’oubliais ! une info ! : mâchoires pouvant aller jusqu’à 1350 kg de pression au cm2 à la fermeture, ce qui le rend capable de broyer directement des os, les dents coniques bien affûtés se transformant alors en perforatrice efficace. De plus, celles (on a du mal avec le féminin pour un être aux semblables mâchoires !) que nous avons approchées ne présentaient pas de caries notables. Celle du dessus vient de capturer un caribe (piranha) et son oeil réjoui en dit long sur la dégustation à venir.
Et c’est bien pour vous montrer ces adorables et si délicats petits trous de nez…proéminents tout comme ses yeux …
… Que j’ai risqué mes chevi-i-i-illes
Mais… C’est vrai que c’est tellement mignon quand c’est bébé. Pas vrai ? Inèsita ? Tout de même la prudence reste de mise avec ces quenottes de lait.
Baba bel oeil
Ben mon colon’ ! dire qu’il nous a fallu attendre la guerre de 14-18 pour abandonner le rouge garance et « inventer » la tenue de camouflage. Et que même on était si fier de cette invention digne de l’immense perspicacité de notre génie que la première section camouflée a reçu collectivement la médaille de la Croix de guerre le 21 août 1916 !