BIKANER, le FORT de JUNAGARH (1)
Ce fort a la particularité bien rare au Rajasthan d’être construit sans escarpement ni hauteur ni promontoire. Non ! simplement posé à plat au milieu du désert, le plus redoutable des protecteurs il est vrai. Et si les Moghols ainsi que les Lodis ne se privèrent pas d’assaillir rageusement ses remparts, l’histoire affirme que le fort n’a jamais été pris !
Massive et redoutable, cette monumentale citadelle jadis entourée de douves, construite entre 1588 et 1593 est protégée par 37 bastions, un rempart impressionnant de près d’un kilomètre de long et sept portes fortifiées.
Entrons par la porte Daulat Pol (ou Prole, comme on le voit inscrit sur la plaque, à gauche du porche). On peut remarquer, en haut à droite sur la porte ouverte, la terrible rangée de pointes de métal acéré censé s’opposer à la poussée des éléphants guerriers. Et notez l’enfilade de portes à franchir avant de pouvoir pénétrer dans cette forteresse.
Quarante et une empreintes de mains de femmes sont visibles sur le mur de couleur rouge, accompagnées de plaques commémoratives gravées à même le mur en bas relief. Ce sont les mains des épouses Rajput des maharajahs de Bikaner, qui ont commis le Sati (auto-immolation) sur les bûchers funéraires de leurs maris morts au combat, préférant la mort au déshonneur.
Bien qu’interdit par les Britanniques, il se prolongea ça et là au XX ème siècle, ce qui conduisit le gouvernement indien à promulguer la Loi Sati (Prévention) en 1987, criminalisant l’aide ou la glorification du Sati.
Dès la première cour, après être passé entre les deux énormes éléphants-sentinelles, montés par leur cornac (aujourd’hui recouverts d’un ridicule toit en tôle qui les rend quasi invisibles voire… méprisables !) on a rendez-vous avec la splendeur rose d’un palais en gré aux rampes, colonnades et moucharabiehs finement ouvragés qui laissent augurer des splendeurs à venir : le palais Vikram Vilas.
Deux couples viennent ici sceller leur mariage dans un autel du palais pour s’imprégner sans doute de la vitalité et du prestige de leurs ancêtres de haute lignée.
Cette splendide deuxième cour, le Durga Niwas, d’une importante surface est entourée de bâtiments en grès rose d’une grande finesse sculpturale (caractéristique de l’architecture moghole, amalgame réussi d’architecture islamique, perse, turque) qui se marie à la blancheur du marbre, dont l’élégant kiosque en marbre… de Carrare, s’il vous plaît ! Qui se mire pensivement dans le bassin ! En marbre lui aussi.
On peut repérer ci-dessous, au centre de la photo, le blason des Maharajahs de Bikaner et ses deux tigres rageurs.
La suite de la visite nous fera traverser palais, temples, jardins, terrasses, balcons ciselés, couloirs et petits kiosques d’un style architectural étonnant. Un extravagant et puissant hétéroclisme : on y retrouve des influences Mogholes, Gujarati, Rajputes et même occidentales !
… Comme on peut le voir en levant la tête vers le haut de la tour d’angle du Karam Mahal où sont peints bateau et train …
De plus, chacun des Maharajahs des 16 générations qui se sont succédées au pouvoir ont ici apporté leur « touche personnelle » ! Et en particulier un nombre invraisemblable de pièces, chacun des Maharajahs se refusant à vivre bêtement dans les appartements de ses prédécesseurs.
La salle du trône (en argent), du Karan Mahal, salle d’audience est une partie ancienne du palais. Elle date du XVIIème siècle et a subi l’influence du syle moghol (marbre blanc, stucs, galerie avec arcs polylobés reposant sur des colonnes à la base renflée). Somptueuse avec ses murs et ses colonnes aux cannelures décorés à la feuille d’or, son plafond en haut relief. Le « store » rouge suspendu par des chaînettes était un ingénieux système de ventilation manoeuvré… à la main