De Fianarantsoa à Manakara par le train F-C-E (1)
Voici un petit périple fort pittoresque que vous allez (peut-être !?) pouvoir réaliser… en l’an 3 ou 4 ap.-COVID.(?) En effet le président de Madagascar Andry Rajoelina vient tout juste d’inaugurer la nouvelle locomotive et les nouveaux appareils de la ligne Fianarantsoa-Côte-Est (FCE).
Le matériel roulant passablement vétuste rendait le parcours fort incertain et je crois d’ailleurs que l’état de la voie ne permettait même plus d’atteindre le terminus, Manakara, sur l’Océan Indien. Tout le monde descendait avant le viaduc de Sahasinaka, la fin du parcours se faisant en bus… Et depuis quelque temps l’unique et souffreteuse locomotive venue jadis de Suisse était hors d’usage.
Donc depuis novembre 2020, 3 nouvelles locomotives espagnoles de seconde main, mais flambant rouge sont arrivées au port de Toamasina (Tamatave). Wâââououh ! Ceci dit ne vous précipitez pas, car il reste un gros travail de formation des pilotes et des techniciens, et… les formateurs étrangers ne sont toujours pas arrivés sur le territoire. Sans compter les travaux à réaliser sur ces motrices pour les adapter à l’écartement spécifique des rails de cette ligne quasi mythique installée il y aura … bientôt un siècle… Disons pour rester optimiste que la reprise de la ligne « Fianarantsoa-Côte-Est » est sur la bonne voie.
Nous voici donc à la gare de Fianar où l’on nous a recommandé d’aller de visu vérifier la veille que le train est bien programmé pour le lendemain. Il est d’ailleurs impossible de prendre son billet à l’avance tant les incertitudes du lendemain sont redoutées : retards certes pour mille et une raisons mais parfois adversité plus outrancière … quand il s’agit carrément de déposer les culasses de la locomotive à l’heure du départ !
Personne dans l’immense hall, et personne au guichet joliment surmonté d’une maquette de l’imposante gare. Mais tout va bien, le tableau noir ci-dessous nous accueille : Départ demain 7 heures : frissons et inquiétudes, désirs et picotements se conjuguent, ce n’est certes pas une expédition mais une fort goûteuse promesse d’aventure et d’inédit…
Deux panneaux explicatifs desquels nous tirerons ultérieurement quelques infos dont un Misaotra et Veloma (Merci et Au Revoir) à tous ceux qui ont contribué à la réhabilitation de la ligne.
Ce qui nous laisse le temps de découvrir les rizières dans les creux de la ville, de grimper dans la Ville haute de Fianar, capitale du Betsileo avant d’aller, sur les conseils du Routard, passer la soirée et la nuit au bien charmant Tsara Guesthouse là haut, sur les collines.
Le Ravenala et son bel éventail frissonnant, largement appelé l’arbre du Voyageur, ici et ailleurs, nous est un précieux et bon augure dans ce soir calme et doré.
Repas très sympa avec un Vin blanc du Domaine de Malaza, à 30 km au sud-ouest de la ville de Fianarantsoa à 1400 m d’altitude. Si ! Si !
Très chic petit déjeuner-buffet et départ fissa pour la Gare. La jolie lumière du matin propice à quelques photos hâtives est aussi de bon augure.
Brouhaha et vaste pagaille nous confirment que c’est tout bon ! Reste à se faufiler jusqu’au guichet. Le train a l’air bondé. Il l’est. Quatre wagons pour passagers au lieu des trois habituels et les autres pour les marchandises !
Ne pensez pas que cette ligne répond à un divertissement touristique gentillet, elle est une nécessité économique pour 17 villages qui se succèdent des Hautes Terres à l’Océan Indien sur 163 km mais… 1200 m de dénivelé et un relief bien entaillé.
Cependant, l’idée d’avoir accroché un Wagon de 1ère classe pour les Wazaha : nous, les Blancs, à cet improbable convoi est une trouvaille riche d’insolite et d’exotisme.
Nous avons donc nos billets de 1ère classe, traversons la foule compacte du hall, vide hier, puis le quai, bondé et débordant de bagages et carrioles embarquant d’invraisemblables denrées, dans le bruit ronflant du Diesel de la motrice.
Et pourtant ! Et pourtant ? Le train s’ébranle à… 7 heures, comme prévu et… au coup de sifflet ! Et l’on s’aperçoit alors qu’il laisse sur le quai autant de monde qu’il en est monté dans le train : des proches et des badauds en nombre. Chaque gare nous confirmera que le train est en effet une attraction fort divertissante et … gratuite pour les populations riveraines.
Fracas ferraillant et trompes déchaînées, on traverse la ville, parfois au ras des maisons. Pas le moindre passage à niveau gardé. Pas un riverain pour se plaindre de l’incroyable tintamarre, au contraire, ils sont là, au spectacle, agitant les mains. La bête gronde et ça leur fait du bien. Roulement lourd, traction puissante sur des rails rugueux, choc brutal et rythmé des roues sur l’espace de dilatation des rails : dur dur de succomber à la poétique de l’évasion : «Emporte-moi, wagon. Enlève-moi, frégate.» On s’y fera : on en a au moins pour 10 heures (12 ?)! Et pour le moment on roule à 15 km à l’heure car voilà qu’on longe la route et de très près et les cyclistes vont plus vite que nous.
Bon on s’est placé du côté gauche, comme il est universellement recommandé pour profiter au maximum du décor à venir. Alors cette première classe (5 fois plus chère que la 2ème classe) ? Le luxe ? Le confort ? Voyez vous-même : Des sièges en bois, rustiques, sans concession, durs aux fesses. Je ne me l’imaginais pas ainsi, moi qui n’ai jamais connu la Première Classe 🤪 ma doudoue non plus, d’ailleurs…
Nous sortons progressivement des faubourgs de la ville, longeons d’incroyables étendues couvertes de briques prêtes à la cuisson au feu de bois et en plein air ( une véritable industrie ! ) et voici qu’apparaissent des rizières où s’affairent déjà les cultivateurs…
Une heure 15 et premier arrêt : Sahambavy, au PK 20.
Panneau du Lac Hotel, hôtel de charme en bordure du Lac Sahambavy et blotti au pied de la colline où s’étale l’unique plantation de thé de l’île (520 hectares).
A peine cessé le crissement des freins, des vendeuses aussitôt se précipitent aux fenêtres des wagons.
Je descends faire quelques images avec l’inquiétude que le train ne parte sans moi. Quelques Wazahas montent dans le wagon et nous repartons en effet presque aussitôt. Ma crainte était donc justifiée.