Châteaux en Pays de Loire 20

CHENONCEAU 2

 Château de Chenonceau- CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chenonceau- CC BY-NC Jacques BOUBY

 Château de Chenonceau, face nord-est- CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chenonceau, face nord-est- CC BY-NC Jacques BOUBY

Ce magnifique escalier droit, dit « rampe sur rampe » qui donne accès aux deux étages du château est l’un des premiers construit en France sur les modèles italiens, abandonnant au passé l’escalier à vis. C’est une des innovations rapportées d’Italie par Thomas Bouhier. Admirez la voûte rampante dont les caissons sont composés d’un réseau de nervures se croisant à angle droit qui s’ornent de fruits, de fleurs, de figures humaines dont certaines ont été vandalisées à la révolution à cause de leur thématique religieuse.

Château de Chenonceau, escalier droitt- CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chenonceau, escalier droit- CC BY-NC Jacques BOUBY

A chaque palier, une sorte de loggia à balustrade aux voûtes couronnées d’un motif végétal, découvre une vue sur le Cher.

  • Château de Chenonceau, escalier droit et loggia- CC BY-NC Jacques BOUBY
    Château de Chenonceau, escalier droit et loggia- CC BY-NC Jacques BOUBY

Le salon Louis XIV. C’est le roi lui-même qui offrit son portrait d’apparat peint par Hyacinthe Rigaud, peintre officiel du roi-soleil à la fin de son règne.

Château de Chenonceau, salon Louis XIV- CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chenonceau, salon Louis XIV- CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chenonceau, portrait deLouis XIV par Hyacinthe Rigaud,- CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chenonceau, portrait de Louis XIV par Hyacinthe Rigaud,- CC BY-NC Jacques BOUBY

Il paraît qu’il reproduit très exactement les traits du visage du Roi, déjà âgé et sa perruque. Notez le somptueux cadre doré, rococo, sculpté par Lepautre, et composé de seulement quatre pièces de bois de tilleul, entièrement sculpté à la main et doré à la feuille d’or. Le roi l’offrit à son oncle le Duc de Vendôme, en souvenir de sa visite au château, le 14 juillet 1650.

  • Château de Chenonceau, salon Louis XIV, cheminée- CC BY-NC Jacques BOUBY
    Château de Chenonceau, salon Louis XIV, cheminée- CC BY-NC Jacques BOUBY

La cheminée est décorée de la Salamandre du Roi François 1er– que nous reverrons à satiété à Chambord – et la blanche Hermine de la Reine.

Château de Chenonceau, chambre de Diane de Poitiers.- CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chenonceau, chambre de Diane de Poitiers.- CC BY-NC Jacques BOUBY

Contrairement aux apparences (le grand portrait), nous sommes bien dans la chambre de Diane de Poitiers.

Château de Chenonceau, chambre de Diane de Poitiers, doubles cariatides dans le style de Jean Goujon- CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chenonceau, chambre de Diane de Poitiers, doubles cariatides dans le style de Jean Goujon- CC BY-NC Jacques BOUBY

Les doubles cariatides aux angles de la cheminée sont réalisées dans le style de Jean Goujon surnommé le Phidias de la Renaissance française. Ces femmes ailées au corps à peine voilé se reposant sur des lions, révèlent dans leur légèreté le style maniériste du sculpteur. Derrière le lit, une tapisserie des Flandres : Le triomphe de la Charité, sur son char, couronnée comme la Vierge, tenant entre ses mains un cœur serré sur sa poitrine et montrant le soleil avec l’inscription latine sur le phylactère rouge : « Celui qui montre un cœur fort dans les périls reçoit à sa mort en récompense le salut ». Exemple typique des tapisseries alors en vogue en Europe. D’un coût exorbitant, en plus d’isoler les murs elle est signe ostentatoire de la richesse des puissants.

Château de Chenonceau, chambre de Diane de Poitiers, linteau cheminée- CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chenonceau, chambre de Diane de Poitiers, linteau cheminée- CC BY-NC Jacques BOUBY

Sur le linteau de la cheminée on peut voir les initiales dorées soit le H d’Henri soient les 2 C de Catherine et parfaitement isolées. Mais regardez sur le mur à gauche le monogramme qu’Henri a lui-même dessiné. Les lettres H et C, initiales des noms de Catherine et de Henri II sont entrelacées mais les deux C réunis aux jambages de l’H forment deux D, en sorte qu’on peut voir à volonté dans le monogramme de Henri II, celui de Catherine ou… celui de Diane. Si vous levez les yeux vers la corniche du plafond, vous le trouvez multiplié en frise. Au sacre de Reims en 1547, sur sa tunique bleue à fleur de lys d’or figurait aussi ce monogramme, Diane la Sénéchale étant officiellement présente à la cérémonie. Avouez que cette ambiguïté est confortable pour celui qui fournit alternativement le sceptre royal à partager. 🤪

Château de Chenonceau, chambre de Diane de Poitiers, portrait de Catherine de Medicis- CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chenonceau, chambre de Diane de Poitiers, portrait de Catherine de Medicis- CC BY-NC Jacques BOUBY

A considérer ce tableau on peut comprendre que le physique de Catherine de Medicis, et sa mine de duègne rébarbative, ne pouvait guère entrer en compétition avec la vénusté fascinante et éburnéenne de Diane de Poitiers.

🔎Mais le vrai souci de CdM, son méga-problème est ailleurs. Son vrai tourment, c’est que mariée en 1533 avec le futur Henri II, son ventre ne s’arrondit toujours pas, ni en1536 ni 37 ni 39 ni 42… Pourtant le mariage avait été dûment consommé et même vérifié par le père François 1er qui ayant mis lui-même les époux au lit avait assisté tout réjoui à leur joute conjugale : c’est l’ambassadeur de Milan, présent à la soirée de mariage à Marseille qui l’écrit dans une dépêche mais … ne confirme pas que le pape Clément VII y était aussi ! Celui-ci revint toutefois le lendemain vérifier que l’affaire était bien dans le sac… de sa nièce. Bref depuis cette soirée mémorable qui s’était terminée par une immense bacchanale, NADA ! NIENTE ! la fille de Laurent II et nièce du pape n’a toujours pas la moindre trace d’héritier de la couronne de France dans le tiroir. Bien sûr elle boit du lait de jument et sang de lapin mélangés à de l’urine de brebis, de la corne de licorne ( !?) pilée avec les formules convenues et délayée dans l’eau, elle boit toutes sortes d’eaux miraculeuses aux incroyables vertus absolument confirmées, qu’elle fait importer, elle porte une ceinture de poils de bouc trempée dans du lait d’ânesse et des cendres de crapaud en pendentif. NIENTE ! Elle s’enduit l’entrejambe d’un mélange de graisse d’oie, de canard et de coq … sans compter les multiples prières, invocations, litanies, patenôtres, messes, offices et rituels … E ancora NIENTE ! Même Henri met le paquet : il tente de s’allonger le chalumeau en s’appliquant un onguent composé d’huile de castor, de vers de terre et de lait de chèvre fermenté, se masse le bas ventre avec une huile de cerfeuil dans laquelle on a fait macérer les parties viriles d’un taureau (ou d’un cerf, ça marche aussi, garanti !), des oignons et des graines de pissenlits. NIENTE ! et fort étrange en vérité, car ces remèdes étaient tous réputés pour leur redoutable efficacité.🤪

Pour tous, il devient évident que c’est uniquement la matrice de Catherine qui fait défaut etelle frôle la répudiation, d’autant que si François 1er avait bien engrangé la dot conséquente de la duchessina, l’alliance avec le pape contre Charles Quint et les promesses papales d’obtenir Pise, Modène, Parme, Gênes et même le duché de Milan, tombaient à l’eau pour raisons de … mort du pape. Un an après le mariage de Catherine et Henri !

Mais Catherine de Medicis s’accroche. Elle pioche ardemment la question et va jusqu’à prendre conseil auprès de sa rivale et néanmoins amie Diane de Poitiers, maîtresse officielle de son époux depuis 1538. Ménage à trois qui durera jusqu’à la mort du roi.
Diane, qui n’a aucun intérêt à voir une nouvelle-plus-belle épouse débouler dans le sérail d’Henri, met en place une véritable discipline militaire pour le couple royal et ne souffre aucune négligence, obligeant Henri II à coucher assidument avec… son épouse « Quand Henri II couchait chez sa femme, c’est que Diane l’avait exigé et voulu » écrit Michelet.

C’est le célèbre Jean Fernel, 1er médecin du Roi qui va trouver le remède, et de pure mécanique, relégant toutes les croyances avariées évoquées ci-dessus au rang de billevesées et autres balivernes ineptes. Tout le monde le sait puisque Brantôme l’écrit : «On disait que Monsieur le Dauphin avait son vit tort et qu’il n’était pas bien droit, et que pour ce la semence n’allait pas bien droit dans la matrice, ce qui empêchait fort de concevoir.» Et oui, votre médecin préféré vous l’expliquera volontiers, la maladie de la Peyronie est une fibrose localisée de l’enveloppe élastique qui entoure les corps caverneux et permet l’allongement et l’augmentation de volume du pénis lors de l’érection. Et la plaque fibreuse vous donnait à ce pauvre Henri une b… e royale tordue qui le faisait invariablement viser dans les coins et retarder grandement l’apparition d’un héritier au portillon de Catherine de Medicis. Le bon docteur trouva la solution. La reine en reconnaissance d’un si grand bien, donna 10 000 écus à son médecin à la naissance de chacun de ses enfants, outre plusieurs autres grandes récompenses. Ah ! ces médecins : c’est quand même de l’argent facilement gagné quand on connaît le remède. Vous voulez connaître le remède ? Quoi de plus naturel ! Téléphonez-moi.

Tout ça est un peu long, c’était ma rubrique «On ne nous dit pas tout »

Ajoutons quand même que sur sa lancée, CdM donna 10 enfants à Henri ! Pâques-dieu, elle rattrapait donc à grandes chevauchées le temps perdu !

A droite de la cheminée, un tableau de Murillo, la Vierge à l’enfant.

Château de Chenonceau, Murillo, la Vierge à l’enfant.- CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chenonceau, Murillo, la Vierge à l’enfant.- CC BY-NC Jacques BOUBY

Le Cabinet  Vert. Après la mort de son mari Henri II en 1559 et le renvoi de la belle sylphide en ses foyers de Chaumont ou surtout d’Anet, Catherine gouverne l’Etat pour de bon, et assure la régence pendant la minorité de Charles IX. Et c’est depuis ce cabinet de travail, le Cabinet Vert, qu’elle dirige le Royaume de France.

Château de Chenonceau, Le Cabinet  Vert - CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chenonceau, Le Cabinet  Vert – CC BY-NC Jacques BOUBY

Et sa conception du pouvoir est intéressante. En effet, on a beaucoup glosé sur cet escadron volant de 80 belles demoiselles d’honneur, «parées comme des déesses, mais accueillantes comme des mortelles, selon Brantôme qui en connut fort intimement, et toutes battantes pour mettre le feu par tout le monde ». Le premier acte de Catherine de Medicis devenue régente fut de porter le nombre de ces belles séduisantes à … 120.

Magnifique toile d’araignée ! Ce mode efficace de gouvernance reposait sur l’axiome, jamais démenti depuis la pomme d’Ève au Jardin d’Eden : « Quand l’homme est en érection, son cerveau n’est plus irrigué ». Elle venait de se façonner là une arme douce et secrète d’une puissance inouïe qui allait lui permettre de mener ministres, princes, prélats, seigneurs, ambassadeurs et surtout, adversaires, et même ennemis par le bout du… chalumeau. Evidemment tout diplomate étranger passant par Paris trouvait une de ces sylphides alanguie dans sa couche. Prodigieux ! De parfaites patriotes ! Même le Bureau des Légendes ne saurait en rêver !

Et là, au dessus de la porte qui ouvre sur le cabinet d’estampes donnant sur le Cher et qui réunit une collection complète et variée de dessins, gravures et estampes représentant le château aux différentes époques, un Tintoretto ! Carrément ! Jacopo Robusti, dit le Tintoret (1518-1594), Salomon et la Reine de Saba, Salomon, roi d’Israel accueille la Reine de Saba dans le temple de Jérusalem, tout juste construit pour y déposer l’Arche d’alliance. La Reine lui rend hommage par des cadeaux somptueux, vases d’or, défenses d’éléphant et autres présents, provenant de l’antique royaume de Saba, situé dans la région du Yémen et de l’Ethiopie.

Château de Chenonceau, Tintoretto, Salomon et la Reine de Saba - CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chenonceau, Tintoretto, Salomon et la Reine de Saba – CC BY-NC Jacques BOUBY

Figurées en perspective, les rangées de colonnes qui animent l’arrière plan ouvrent un paysage maritime évoquant Venise, ville natale du peintre. Incomparable palette de couleurs. Et quelle espièglerie dans le mouvement des corps !

Tapisserie de Bruxelles du XVè
Château de Chenonceau, Tapisserie de Bruxelles du XVè- CC BY-NC Jacques BOUBY

Bien belle Tapisserie de Bruxelles du XVè dite «  à l’aristoloche » à la fois gothique et renaissance inspirée par la découverte des Amériques : faisans argentés du Pérou, ananas, orchidées, grenades, toutes choses inconnues en Europe jusqu’en 1492. NB Ce magnifique bleu était en fait à l’origine un vert qui a viré.

Château de Chenonceau- CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chenonceau- CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chenonceau- CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chenonceau- CC BY-NC Jacques BOUBY

Splendide galerie, longue de 60 mètres, 6 de large, éclairée par 18 fenêtres, avec son sol carrelé en damiers de tuffeau et d’ardoise, ses deux vastes cheminées Renaissance à chaque extrémité.

Château de Chenonceau, Galerie- CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chenonceau, Galerie- CC BY-NC Jacques BOUBY

 La plaque posée sur le mur de droite nous l’indique « Ici furent soignés 2254 blessés durant la guerre de 1914-18 », car Gaston Menier (Oui ! les chocolats !), alors propriétaire du château fit aménager à ses frais un hôpital militaire. D’ailleurs, une animation dans les annexes du château fait revivre cette période.

Cependant cette salle fut d’abord conçue par Catherine de Medicis comme une magnifique salle de bal dans laquelle s’ébattait et sous ses yeux vigilants, la Cour du royaume. Et des fêtes il y en eut. Mais, celle que l’histoire retiendra comme phénoménale et scandaleuse c’est bien la bacchanale travestie, offerte le 15 mai 1577 par Catherine à ses fils, Henri III et le duc d’Anjou dont la paillardise était notoire. Scandale somptuaire d’abord, car déjà financièrement aux abois, elle dut, en bonne Medicis, mettre à contribution, une fois de plus, les banquiers italiens qui d’après le chroniqueur Pierre de L’Estoile s’en firent bien rembourser au double. Alors, poursuit le chroniqueur, qu’Henri III se présente habillé en femme, fardé, frisé, couvert de bijoux, ses mignons dans son sillage, et semblablement accoutrés, avec des petits chiens et des singes partout, voilà qu’en ce beau banquet, les plus belles et honnêtes de la cour à demi nues, et leurs cheveux épars comme épousées, assuraient … le service ! Bref on ne distinguait plus un « homme reine » d’un « roi femme » !

De vraies saturnales débridées à couilles rabattues (c’est là un pléonasme!) à mettre au compte des hauts faits d’armes de la Cour des Valois.

Château de Chenonceau, Galerie, détail- CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chenonceau, Galerie, détail- CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chenonceau, Galerie, détail- CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chenonceau, Galerie, détail- CC BY-NC Jacques BOUBY

Salon François 1er. A droite de la cheminée, Les Trois Grâces par Van Loo représentent les demoiselles de Nesle : Mesdames de Châteauroux, de Vintimille, de Mailly, trois soeurs, favorites successives du Roi Louis XV. Au-dessus de la porte, encadrées par deux Sirènes, les armoiries des Bohier. Et, le meuble, que l’on ne peut approcher, est un magnifique cabinet italien du XVIè, exceptionnel par ses tiroirs en façade aux incrustations de nacre et d’ivoire gravées à la plume, offert à l’occasion du mariage de François II et Marie Stuart. Vous verrez, que je vais finir par m’intéresser aux meubles !

Château de Chenonceau, Salon François 1er - CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chenonceau, Salon François 1er – CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chenonceau, Salon François 1er, Les Trois Grâces par Van Loo - CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chenonceau, Salon François 1er, Les Trois Grâces par Van Loo – CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chenonceau, Tapisseries - CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chenonceau, Tapisseries – CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chenonceau, Tapisseries - CC BY-NC Jacques BOUBY
Château de Chenonceau, Tapisseries – CC BY-NC Jacques BOUBY

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