AUBRAC, le royaume fleuri
Il faut voir l’Aubrac en Juin et juillet, s’attarder à l’orée des bois, parcourir les talus et fossés, pénétrer dans les tourbières ! Muni de nos Flores (et… d’un objectif macro !) nous entamons notre voyage parmi ce lumineux royaume fleuri, ce jardin suspendu.
Et bien sûr, immédiatement nous sommes subjugués par les reines altières, si exotiques pour nous gens des Causses : la gentiane et la digitale que nous ne risquons pas de rencontrer sur nos terres calcaires.
La grande et belle gentiane jaune, aux corolles éclatantes verticillées sur ses hautes tiges !
Attention, elle a tout son temps devant elle (environ 60 ans) et ne fleurit pour la première fois qu’à partir de 7 à 10 ans. Même la morphologie de ses feuilles est un pur chef d’oeuvre !
Cependant ses racines et ses rhizomes (ginçana) ocres charnues qui peuvent atteindre 1 m de long et peser 5 kilos sont utilisées depuis fort longtemps à des fins curatives mais aussi pour la fabrication d’apéritifs. On arrachait la plante au moyen de la fourche du Diable (forca del Diable) telle que celle que la Maison d’Aubrac présente.
Nous avons vu 3 gençanaïres à l’oeuvre sur les pentes près du Lac de Souveyrols, mais séparés de nous par plusieurs barbelés. Cependant leurs conversations qui descendaient la pente jusqu’à nous laissaient nettement entendre qu’il s’agissait de travailleurs maghrébins !
Nous nous interdisons bien sûr de penser que ce travail est trop dur pour les autochtones 🤪 Quoique… Attention !… manier la lourde fourche du diable avec efficacité n’est pas à la portée du premier venu et ce travail pénible était effectué par de la main-d’œuvre le plus souvent étrangère.
Cependant vers la fin de l’estive, les buronniers ne détestaient pas arracher la racine de gentiane pour arrondir un peu leur pécule…
NB Nous avons toujours une bouteille de Suze à la gentiane à la maison et… ma mère ne buvait que çà 🤪
A l’entrée d’Aubrac, se dresse une œuvre contemporaine représentant Notre-Dame des gentianes, hissant son enfant vers le ciel, je n’ai jamais eu la bonne lumière pour la photographier convenablement.
Attention, il est une plante redoutablement vénéneuse qui ressemble à la gentiane : c’est le vératre blanc. Ne surtout pas confondre ! Et ne vous avisez pas d’utiliser ses racines pour concocter l’apéro, vous n’auriez pas le temps de le regretter.
Un tuyau : les petites fleurs de couleur blanchâtre du vératre n’ont RIEN à voir avec la splendeur des fleurs jaunes de la gentiane !
Tout aussi splendide avec ses couleurs flashy, la somptueuse digitale complètement absente de notre flore des causses : l’archétype même de la beauté vénéneuse de mon enfance…
Ô l’effluve empoisonnée de ses corolles tournées vers la lumière, et le bal de ces hautes tiges balancées qu’évitent les elfes et les fées ! 🤪
L’Achillée et son élégante inflorescence en corymbes, mais oui, celle conseillée par Aphrodite soi-même à Achille lorsqu’il fut mortellement blessé au talon par la flèche de Pâris au siège de Troie. Las hélas, Aphrodite en larmes savait que si l’Achillée pouvait calmer la souffrance du héros, elle ne le soustrairait pas à son destin.
Campanule à fleurs agglomérées et Molène Bouillon noir
L’Herbe aux goutteux Egopode, Herbe de Saint Gérard… qui peut survivre par -30°.
Epilobes en épi en massifs impressionnants dans les talus…
Séneçon de Fuchs …empapillonné
Admirable fruit de l’Anémone Pulsatille, au lumineux graphisme. L’akène se prolonge par un style formant une longue arête plumeuse et argentée, qui apparaît dès que la fleur est disparue à la fin juin.
Comment le photographe ne tomberait pas en arrêt devant ces graphismes soyeux et pubescents !
Quand à ce tableau de vipérines piqueté de chardons, il est très très Klimt !
Longtemps nous avons pris cette plante pour un lamier, si fréquents chez nous et dans toutes les teintes, mais une équipe de cueilleuses acharnées vers le roc de Campuels nous a ouvert les yeux. Miladiou !!! Il s’agit du fameux thé d’Aubrac (Calament à grandes fleurs), aux fragrances mélangées de menthe et de mélisse qui persistent si agréablement sur la main.
Il est bien sûr de nombreuses fleurs plus humbles et en grand nombre peuplant l’Aubrac qui attestent de cette vie extraordinaire qui plonge et se ressource aux fleuves souterrains de ces basaltes antiques.
Elles témoignent de l’absence totale de pesticides mais il n’en est hélas pas de même dans les près de fauche plus bas dans les boraldes.
Quel œil décidément ! Et pas seulement un évident talent de photographe. Tu nous épateras toujours notre Jacquounnet. En fait un poète avec une vision. Et je ne parle pas des commentaires toujours savoureux.