Touloulous, Nèg gwô siwô et autres groupes constitués
Si des figures ou des groupes obligés traditionnels disparaissent progressivement du paysage carnavalesque tels Karolyn zyé Kokli, Maryan Lapo fig, mèdsens lopital, mas lanmo et autres mokozombies sur leurs échasses, quelques groupes constitués animent régulièrement les défilés de carnaval …
Ainsi les Touloulous (quel rapport avec les petits crabes rouges et noirs du même nom ???) belles masquées, d’une grand élégance, à la démarche et la tenue aristocratique scintillante à souhait, aux maquillages délicats rehaussés de ces éclatants colliers-choux et jupons à nombreux volants… Coquettes et raffinées mais … parfaitement anonymes parce que … méconnaissables sous leurs fins oripeaux, ce qui autorisait jadis des religieuses à faire leur carnaval en loucedé ou des servantes à draguer leurs maîtres, ou des épouses légitimes à séduire de fort beaux nègs ….
On pourrait évoquer Venise et ses masques, mais vêtues de la tête au pied, elles représentent ici, un extraordinaire contraste avec la masse des corps dénudés et souvent … provocants. Et un bel acte de courage pour affronter ainsi les chaleurs tropicales du moi de Carême !
En réalité, les Touloulous plongent loin dans l’histoire et restent, aujourd’hui encore un sujet de disputes entre la Martinique et la Guyane qui en revendiquent l’une et l’autre l’origine.
Toutefois on peut mesurer avec bonheur l’importance des réalisations vestimentaires individuelles, en figures libres, raffinées, espiègles ou délurées
Et voici les groupes de Nèg Gwo Siwo, qui circulent dénudés, le corps enduit d’ un mélange de mélasse (sucre de batterie) nommé « gwo siwo » (gros sirop) et de suie. Ils n’ont de cesse que de vous étreindre de leur corps visqueux, noirci et repoussant.
Comme tout travestissement, il porte un message, et est censé évoquer les « nègs marrons », ces fugitifs qui à l’époque de l’esclavage s’enfuyaient des plantations de leur maître et se réfugiaient dans les forêts. Notez les chaînes autour du cou dans la photo ci-dessous qui ne manquent pas d’expliciter le symbole.
Et voici le groupe des Hommes d’argile, apparus timidement il y a 25 ans dans le Carnaval et aujourd’hui véritable institution.
Recouverts entièrement de cette belle argile rouge-orangée (celle des Trois Ilets), ils défilent dans les rues pour soudainement se figer et composer de magnifiques tableaux de statues humaines aux poses et aux visages expressifs et énigmatiques dans un silence théâtral saisissant.
De plus quand leurs réalisations s’opèrent dans le noir de la nuit, le photographe ne peut qu’être subjugué par l’expression lumineuse de leur message étrange et ténébreux.
Terre mère vénérée autant en Afrique que dans les cultures indiennes initiales de la Caraïbe… référence rappelée par les colliers et leurs amulettes