De Fianarantsoa à Manakara par le train F-C-E (3)
Profusion végétale qui enserre le train jusqu’à venir gifler le visage ou fouetter les bras qui sortiraient de la fenêtre. Cette végétation ne cesse que le temps d’un village aux cabanes serrées contre la voie et s’ensauvage aussitôt le train reparti en se rapprochant vigoureusement du convoi. Il faut dire qu’un gros effort a été entrepris par les riverains pour planter le long des voies en particulier des vétivers (infos du tableau de la gare) afin de tenter de fixer les sols et protéger les talus. Pour mémoire, rappelle le tableau de la gare, les cyclones Eline et Gloria ont dans le passé provoqué 280 éboulements !
De nombreux ouvrages, ponts, tranchées, murs de soutènement attestent de l’énorme difficulté à réaliser ce sidérant tracé ferroviaire.
Tolongoina, toujours en pays Antanala. Très long arrêt. Interminable même. Il faut dire que «Touloungoune» comme on prononce est l’arrêt le plus important de la ligne, véritable carrefour agricole et relié par une piste au reste du monde, lui ! Pendant la période sèche, évidemment ! C’est d’ailleurs à cette gare qu’a été inaugurée la ligne F-C-E le 1er avril 1936.
On peut voir ci-dessous le contrôleur du train encaissant les ariary de la passagère et des denrées qu’elle transporte…
Qu’est-ce qu’on y charge ? Des agrumes, du manioc, du poisson séché, du riz, des bananes, des épices, des légumes, des poules, des porcs, des sacs de charbon de bois (hélas !), des montagnes de corbeilles en vannerie… dont l’agencement s’accommode mal du volume du wagon…
Qu’est-ce qu’on y décharge ? De tout : de la canette de bière THB à la plaque de tôle ondulée.
Qu’est-ce qu’on y trouve à manger ? De tout : de véritables plats cuisinés, dans des barquettes en plastique : saucisses, porc, zébus, boulettes de viande sentant délicieusement l’oignon frit…
Un peu en contrebas, de minuscules gargotes fleurent bon aussi la cuisine locale, au feu de bois évidemment. Hélas !
Il est sûr qu’ici, on reste certes dans la pauvreté mais certainement pas la misère, encore moins la famine… telle celle qui sévit gravement et de manière endémique dans les terres asséchées du grand sud.
Enfin, coup de sifflet qui ébranle le convoi. Le tracé de la voie est toujours sinueux, et spectaculaire : 13 tunnels et 7 galeries couvertes vont se succéder, avec un dénivellé important. Tangage et tintamarre : n’a-t-on pas appelé ce tortillard le TGV de Mada ? Train Grinçant et Vibrant ou Train à Grandes Vibrations !
Amboandjobe (356 m) PK 72. Banane, banane, c’est la source importante de revenu pour la région, surtout depuis la crise du café mais…bien fragile ; si par manque d’entretien et évidente vétusté, le train n’assure plus le transport, c’est la cata… il faut tout jeter.
Cependant cette culture génère de nombreux emplois de porteurs, car il faut ramener à dos d’homme les lourds régimes (environ 50 à 60 kg chacun) du fond des terres parfois bien escarpées… Et combien ça fait sur le dos ? multiplié par 4 ?
7 km plus tard, et… 150 m plus bas ! arrêt à Manampatrana, PK 79, milieu du parcours. C’est bien sur ce minuscule tronçon que les problèmes du retour sont à craindre et que la motrice patine et peine à gravir la pente. Mais la descente n’est jamais de tout repos : en 2012, la compagnie, sur une défaillance de frein, a perdu dans une de ces descentes sa deuxième locomotive et tout ce qu’elle tractait.