L’AUBRAC dans tous ses états (28)

PHOT’Aubrac

Comment quitter l’Aubrac sans évoquer PHOT’Aubrac, ébouriffant festival photographique né en 2003, (20 ans déjà, l’année dernière), qui fait régulièrement grimper là-haut des dizaines et dizaines de milliers d’amateurs en septembre pour des dizaines de Galeries à ciel ouvert.

Un thème, en lien avec la Terre, différent chaque année, loin des idéologies fatigantes du tout-écolo, sert de fil conducteur : suffisamment large pour englober tout sujet photographique intéressant et pittoresque du Requiem pour pianos abandonnés dans le monde et photographiés en des lieux improbables par Romain Thierry, en passant bien sûr par des photos animalières de toute beauté, des nuits étoilées étourdissantes, des photos fascinantes de la Planète Mars prises à… 55 millions de kilomètres de la terre etc. etc. … aux incroyables Paradoxes oniriques d’Olivier Mulhoff en hommage à M.C. Escher.

Ainsi, au coeur même de paysages immensurables, sous les immenses ciels d’Aubrac, de grands tirages photo sur bâches défient soleil vents et pluie à plus de 1000 m. d’altitude et conjuguent l’infinité des beautés du monde à la splendeur de la Terre d’Aubrac. Premier plaisir, première jouissance …

Plus de 60 photographes exposent ici en plus de 30 lieux, répartis autour de Nasbinals ( l’épicentre ), Aubrac, Saint-Urcize, Rieutort, Marchastel et Laguiole. Et, Ô bonheur, vous en avez partout… plein les yeux : à l’Office du tourisme, à la Mairie et sur les grilles extérieures, à la Maison Richard, au Foirail, sur le Parvis de l’église, à l’église de la Domerie, à l’étage de l’Annexe d’Aubrac, à la Maison de l’Aubrac, au Jardin botanique d’Aubrac, à la Maison Poudevigne, et à l’ancienne forge de Saint-Urcize, sur le foirail de Laguiole, à la Coopérative Jeune Montagne, à la Mairie et à l’église de Marchastel. Quel tourbillon !

Et ce n’est pas tout : là survient le deuxième plaisir, la deuxième jouissance : et çà c’est FORT !  Les agriculteurs bienveillants ont carrément mis leurs granges et étables et même toute la Ferme à disposition de PHOT’Aubrac, lesquelles, après une grosse semaine de nettoyage intégral, se sont métamorphosées en… salles d’exposition. Et grandioses.

Et là, parmi la paille, dans une pénombre exhalant une légère odeur de foin et de fumier lointain, le long des abreuvoirs et des mangeoires, vous déambulez devant d’impressionnants tirages photo, surplombés de monumentales charpentes, où parfois des écriteaux rappellent le nom des vaches occupantes de l’emplacement ! Magique ! Sans compter que c’est la seule occasion de découvrir ces lieux éminemment privés. Et la liste est longue : Ferme des Nègres, Ferme de Bouquincan, Ferme La Bessière, Grange Broussart… plus les nombreuses étables à Montgrousset, à Montgros, Rieutort, Duroc …

Chaque année des invités de poids viennent se mêler aux nombreux photographes présents, KYRIAKOS KAZIRAS, REZA, HANS SYLVESTER …

Je dois rendre un hommage perso à HANS SYLVESTER, découvert il y a … des siècles par «Camargue» et son incroyable texte de Giono qui disait ne pas connaître la Camargue, devenue, avec l’Aubrac et le Larzac, mes territoires d’échappée du jeune homme ruthénois, tous lieux où souffle l’Esprit. J’y fus fasciné par les reflets miroitant en noir et blanc et ces mas où le «touriste» que j’étais ne risquait pas de pénétrer.

Plus tard je découvris le fantastique pèlerinage d’El Rocío dans son livre toujours sur mes étagères : extraordinaire pèlerinage où les romeros viennent à cheval, en carriole, en char à boeufs, traversent dunes et marais, parfois pendant plusieurs jours pour venir honorer la Virgen del Rocío, la Vierge de la Rosée, dans un bain de foule et de convivialité grandiose et sidérant, d’après les photos ! J’étais fasciné : Son travail photographique sur les paysages et les gens et sa manière un peu esthétisante de fixer le réel correspondait à ma manière de voyager et… de photographier. De plus les paysages alentours avaient un tel air de Camargue… Non seulement je devins fou amoureux mais, cette manière de goûter le monde par la photo !!!

Tout le monde à présent connaît la belle Ethiopie : Hans Silvester s’y est rendu 38 fois, dans la basse vallée de l’Omo, et ses photos attestent de son incroyable intimité avec les populations Surma. Une bien belle Afrique !

Nature et parures, c’est le titre de l’Expo. Bien sûr la pensée du jour tient à faire à toute force de Hans Sylvester un militant écologiste mais nous savons et… il sait, depuis depuis… bien avant l’existence de Phot’AUBRAC, bien avant la déferlante des discours écologistes, tout comme Mallarmé le disait déjà à Degas que « ce n’est point avec des idées ou un quelconque catéchisme écolo… que l’on fait fatalement de la bonne photo » 🤪

Mais personne n’évoque son travail sur les fresques du Shekhawati… Nous l’y suivîmes, mais… 20 plus tard, ( ici ) pour découvrir le désastre de l’abandon et de la misère de ces Havelis qu’il a immortalisées. Le beau livre est aussi sur mon étagère…

Je rencontrai Hans Silvester par hasard à la fontaine à Montgros. Comme un amour de jeunesse… dont il ne savait rien. Si loin dans le temps, et … je ne l’avais encore jamais vu. Mais, cette soif du monde et de la belle image, c’était lui, c’était moi. Et ce goût immodéré de l’Afrique !

Justement, nous conversâmes tout à côté de cette étincelante expo sur l’Ecole Jamm la paix ( parfaite redondance puisque «Jàmm » = la paix en Wolof ) à La Somone. Double secousse : La Somone et Saly Portudal de mes 12 ans de Sénégal, et ces nombreuses photos de classe que je réalisai jadis pour le CLAD de Dakar.

Hans Sylvester ne peut le savoir, mais chaque fois que nous passons à El Rocío, là bas près du Guadalquivir… je pense à lui … Et je doute qu’à chaque fois qu’il appuie sur le déclencheur et j’espère bien qu’il va longtemps encore continuer à le faire, il se dise par devers lui : « Whaoooouh, quel P… de militant écolo je suis » 🤪

Je ne peux quitter PHOT’Aubrac et clore ce Carnet de Voyage sans évoquer Jean Luc GIROD, photographe d’une grande sensibilité qui a fait un travail magnifique d’immersion et de belle image (surtout en Noir et Blanc) au coeur des étables de cet Aubrac qu’il aime au point d’avoir une maison quelque part vers Saint Urcize. Il connaît tout, là haut, y compris les agriculteurs et leur famille. Il est au COEUR. Quelle merveille, quelle délicatesse, quelle élégance, et quelle PHOTO !

Exposé autour de la Mairie, à la Maison Poudevigne, dans les rues de Saint Urcize, lui aussi atteste et bien plus parmi nous que l’Ethiopie lointaine, l’humble quotidien dans l’ombre des étables. Dont il extrait la LUMIÈRE. Fascinant ! C’est bien connu « On ne voit bien qu’avec le coeur »

Chez lui aussi, je me reconnais bien : vous connaissez ma « profession de foi » (ici) 

Voilà ! les Pages blanches du très prochain PHOT’Aubrac sont désormais avancées  !!!