AUBRAC, la reine et la transhumance (2)
On peut voir ici l’utilisation du joug (lié par la courroie de cuir (comme autrefois) pour supporter hampes et branchages, crinières et drapeaux. Ce joug qui jadis servait à réunir deux vaches à atteler pour les travaux des champs et ici utilisé en mono.
Mais la pose ne va pas de soi sur ces bêtes sauvageonnes libres d’entraves et de liens, sans compter que toutes les morphologies de cornes ne conviennent pas.
Bien sûr il faudra aussi choisir les vaches qui « mèneront » en tête la procession, les plus rompues à l’exercice aussi. Et, peu avant le départ, il faudra distribuer les sonnailles conjuguant harmonieusement Clarines, Clapas et Esquilous.
1- Clarine, en bronze moulé, avec motifs décoratifs et inscriptions, en général estampillées Obertino à Morteau, fondeurs depuis 3 siècles … d’une sonorité plutôt cristalline
2- Clapa en tôle tenue par un large collier de cuir, martelée et façonnée par le sonnailleur émettant un son grave plus rustique
Ci-dessus une collection de Clarines et Clapas du troupeau Ramon au Buron de Camejane.
Notez le joug, bien amarré aux cornes par un entrelacement de longues courroies support de porte drapeau ou branches de houx, les clapas, joliment décorées, fixées par le large collier de cuir, portant souvent les initiales du propriétaire-éleveur. Le battant de la clapa que l’on voit poindre ci-dessous est en os.
3- et les esquilous, les grelots avec des rendus plus aigus, plus acides. Organiser un véritable orchestre, en somme : c’est cela, encampanar les vaches (campana = cloche)
La pause se fait dans des enclos prévus tout au long de la mountada, et c’est le moment de partager convivialement les victuailles apportées, mais le beau temps reste un luxe appréciable et il est arrivé que la mountada se déroule sous les chutes de neige, sans parler de fortes pluies. Car on ne transige jamais sur les dates !
La pause étant l’occasion pour les mères d’allaiter leur veau
Mais ne vous privez pas, si vous aimez la grande foule, la fièvre et le bruit, ne vous privez pas disais-je, vous ne serez pas déçu par ces fantastiques fêtes de la Mountada. Bien sûr, il y a des barrières partout, partout ; bien sûr vous ne risquez pas de vous garer tranquillou au petit bonheur la chance, bien sûr vous ne pourrez savourer intimement votre aligot qu’avec… 3000 personnes, bien sûr il faudra payer un peu partout … et repayer peut-être …
Mais… on vous la fera TOTALE : rencontre avec des éleveurs, présentation de la filière viande, de la filière fromage, de la vie rurale et ses traditions, sensibilisation à la flore, à la faune, vous aurez droit à la Cabrette, à l’Accordéon… à la Bourrée, voire à la Nuit dansante avec un orchestre folklorique… et l’ALIGOT ! Ah ! l’aligot qui n’est plus alors un simple plat de patates & Cie mais un spectacle, une prouesse, un exploit. Hénaurme ! Il faudra » monter le fil » et tenter d’atteindre les sommets environnants 🤪 ( notons que le record du monde de fil d’aligot est de… 6 m 50 ) à ce jour ! )
Sans compter que vous pourrez minuter votre journée en fonction des horaires annoncés du passage des troupeaux. Bien plus précis que la SNCF. Nooooon ? Siiiiiiiiiii ! 🤪
Et dans la quiétude de fin de jour, un peu étourdi par le bruit et la foule, le troupeau, enfin délesté de ses oripeaux et sonnailles multiples regagnera paisiblement lou pas de sa mountanha où 142 jours de plein ciel, l’attendent parmi les senteurs sauvages d’une herbe libre que le vent ébouriffe avec grand entêtement.
Mais il faut avoir vu les vaches – pourtant bien fatiguées – se mettre à galoper et gambader soudain à l’entrée du pas de la terre promise : sacrée mutation que ce grand PASSAGE du sombre puant des étables à … l’eden de la cure de jouvence en plein ciel !
Baptême devrais-je dire, car quelques jours de pluie auront tôt fait de faire disparaître le vilain crottin amassé après ces longs jours de stabulation d’hiver leur restituant leur somptueuse robe dorée.
