AUBRAC : el Camino, lou camin (3)

Quand on quitte Rieutort pour descendre vers le Bès, (toujours la voie Agrippa qui traversait le pays des Gabales, premiers habitants du Gévaudan), c’est l’éclosion ! Erratiques, certes ils le sont mais par centaines, se disputant furieusement le vert des pâturages, dévalant les pentes du sommet granitique du Puech del Pont (1 219 m)




Mais si mais si ! C’est bien la voie romaine construite par Agrippa, légèrement reconditionnée, il est vrai, que reprend lou camin des Jacquaïres, tout comme leurs ancêtres sur de lourds pavés de granite (qui apparaissent encore ça et là, disent les seusses-qui-sçavent).


Ferme de Bouquincan
Et oui ! Les méandres de la Guerre de Cent ans se sont épanchés jusqu’ici. Sous le règne de Charles V, les Anglais, qui assiégeaient Marchastel ont campé là, oui, là ! dans la plaine le long du Bès, et y ont édifié le moulin de Bouquincan, nom probable d’un chef de l’armée : Buckingham ?



Magnifiques granites brodés finement de lichens, venus du fond des âges, échoués là, sans vie, sans projets. Peut être la meule du moulin des Anglais ???




Et voici le Bès, et ses Aubrac le traversant à gué.




Après le Pont de Bouquincan qui enjambe le Bès : le bourg de Marchastel (ci-dessous photographié également en janvier) situé lui aussi sur la Via Agrippa, et donc sur la via Podiensis des Jacquaïres

Attention, ce petit village bien modeste aujourd’hui, nous a donné le compoix de Marchastel ! Qu’es aquò ? un extraordinaire document de 1685 conservé à Mende aux Archives Départementales de la Lozère.
🔎 Il faut dire que le Seigneur de Marchastel (aujourd’hui 40 habitants !), était le cadet de la famille de la baronnie de Peyre, une des plus puissantes du Haut-Languedoc au Moyen Age dont les possessions, paroisses et autres fiefs ecclésiastiques s’étendaient jusque dans l’Auvergne et le Rouergue. Et… même que le Dom d’Aubrac le reconnaissait pour son suzerain ! Si faict !



Et que nous apprend ce compoix ? Ce document historique livre de précieuses informations concernant les (incroyablement nombreuses) communautés villageoises de Rieutort et de Marchastel, vivant sous leurs toits de chaume. Et donne même la liste nominative des propriétaires de chacun de ces villages. Et trace les limites des «terroirs» . Sidérant ! Ah ! l’administration !
On y détaille le coût des amendes : au-dessous de 40 sols pour effusion de sang, et de 50 sols pour larcin, on y écrit que le seigneur de Marchastel pourra tenir, ériger et redresser des fourches patibulaires. Dur dur ! « Que le seigneur de Marchastel aura l’exercice de la mère impère, ensemble des incestes, adultères, viols, fornication, fustigation et bannissement, épaves, clôture, correction et amendes des bestiaux malades; toutefois, la moitié desdits amendes sera réservée au commandeur…»
Sans parler des transactions de la pêche sur le Bès et de la coupe des bois… etc. etc.


