Murales de Sardaigne (1)

A la découverte des Murales : Tinna

Tout a commencé ici, dans ce petit village modeste et ignoré, qui nous avait hébergé une nuit sur son aire. Voilà qu’en repartant on découvre cette étonnante peinture sur une maison isolée sur fond de campagne.

Magnifique ! avec de surcroît la splendeur de l’inutile et l’humilité du nulle part, de l’infréquenté : une scène rurale traditionnelle, la moisson du blé à la faucille… et sur toute l’immensité du pan de mur jusqu’au toit.

Et savez-vous, comme on s’était garé un peu plus loin, ou que plus prosaïquement notre vue baisse, on avait pris de loin les personnages du bas en trompe-l’oeil pour des vrais touristes en train de regarder la scène, tant le trompe-l’oeil est efficace.

Quelle rencontre dans cette campagne, de l’oeuvre d’art ornant une maison d’homme jusqu’au ciel, se dilatant dans l’espace et se parant néanmoins d’un beau cadre peint pour signaler peut-être, qu’elle s’était évadée du Musée pour… respirer la terre et le ciel.

Et voilà qu’à la recherche d’une chiesa romane, perdue au fond de la campagne (église de San Lorenzo di Rebeccu), nous traversons le village de Bonarva et découvrons au passage, à nouveau, au coeur du village, des maisons ornées de peintures.

Nous voilà grimpant au-dessus de Bosa, et serpentant dans les paysages riants des vignobles Malvoisie. Arrivée à Tinnura.

Dès l’entrée du village, un bar-restaurant nous arrête par sa façade peinte… en forme d’église, sa placette Santa Croce avec 2 tableaux muraux et… tournant la tête, la mairie, peinte aussi mais dans un tout autre style. Diable, diable, c’est une épidémie ! Nous descendons de notre monture, l’oeil curieux.

Certes nous avions acquis une vraie familiarité aux cours de nos voyages avec les maisons colorées. Pour n’évoquer que l’Italie, les villages Ligure sont magnifiques de couleurs : Manarola, Varèse Ligure, Camogli, Porto Venere, Riomaggiore, Porto Fino… et je ne résiste pas au plaisir d’en revivre la vision avec vous.

Et ici même, dans la vallée, à Bosa, tant la ville vue de haut représente un pastel chatoyant

Même le trompe-l’oeil sur les façades ne nous était pas étranger…

Maisons colorées et trompe-l’oeil qui commencent d’ailleurs sur le territoire français avec Menton et son intérieur illuminé de couleurs

Et voilà que dans notre balade attentive dans ce village de Tinnura et ses abords, nous découvrons une véritable galerie d’œuvres d’art en plein air, une trentaine de murales dont certaines fort imposantes.

Un nom revient au bas des plus grandiosement spectaculaires : Pina Monne. On se renseigne. Originaire de Irgoli, elle est arrivée à Tinnura pour participer à un concours d’idées, impulsé par le maire Giovanni Soro, qui souhaitait rénover son centre urbain.

Lauréate de ce concours elle réalisa 5 fresques murales, et s’installa à Tinnura et poursuivit ses travaux de peintre et céramiste.

Un autre nom revient au bas de fresques de qualité : Angelo Pilloni antérieures à Pina Monne et qu’elle a restaurées.

C’est un enchantement, d’autant que d’autres éléments artistiques parsèment agréablement le village et si modestes soient-ils, ils contribuent à une atmosphère de bon goût qui incite à aller fureter dans le moindre recoin.

A commencer par la jolie église et … son Saint Sebastien (qui me ramène aux fondamentaux 🤪)

Symboles expliqués plus bas…

Cette peinture de Fernando Mussone évoque le carnaval de Mamoiada,(où nous irons plus tard) et ses personnages emblématiques : les Mamuthones, vêtus de peaux de brebis noire et le visage couvert de masques grotesques en bois noir, et les Issohadores au bustier rouge et au masque blanc tentant de capturer les Mamuthones avec leur corde.

Cette autre du même auteur évoque les deux masques typiques du Carnaval d’Ottana :

Boes au masque de boeuf (et sa célèbre fleur de vie sur le front), vêtus de peaux de mouton blanc avec une grappe de cloches en bandoulière et Merdule, « le gardien des bœufs » au masque noir aux traits d’un vieil homme difforme, laid, à la bouche grimaçante.

La typologie de ces réalisations paraît évidente tant leurs thèmes exaltent les scènes de la vie rurale : moissons, vendanges, chasse, dépiquage, tonte des moutons… mais aussi des manifestations typiques et aux racines profondes, drapeau sarde, vêtement traditionnels, carnavals, moments communautaires, en n’oubliant jamais l’ancrage catholique ancestral…

… sans éviter l’inévitable et inoxydable Giuseppe Garibaldi.

Nous sommes sidérés par cette richesse exposant l’identité et la mémoire sarde avec la juste dose d’esthétisme et d’émotion, comme tendue en miroir aux villageois.

Nous avions bien sûr prévu dans notre nomadisation en Sardaigne de visiter attentivement Orgosolo, répertorié dans tous les guides de voyage comme l’archétype des Murales engagées et revendicatrices qui émaillent (+ de 300) le village.

Mais devant l’ampleur de ces réalisations appelées donc Murales apparues ici, dans ce village pourtant modeste, je décide de faire un reportage sur ce phénomène artistique populaire et la suite ne nous a pas déçus.