KOLLAM et l’île de Munroe
Nous voici au Fragrant Nature Retreat and Resort chambre 304 à Kollam à 2 heures de route de l’aéroport de Thiruvananthapuram où nous avons atterri en pleine nuit au Kerala. Dans un parc charmant, boisé, au bord de la rive parmi cocotiers, frangipaniers, végétation luxuriante, cygnes… Bref, cet air de Tropiques bien connu au fond de nous dont le goût se réveille instantanément.
Kollam, cité portuaire sur la Côte Malabar, bien sûr jadis fréquentée par les Phéniciens, les Perses, les Romains, les Arabes et les Chinois plus tard par les Portugais, Hollandais et Britanniques. Visitée par des célébrités, telles que Marco Polo et Ibn Battuta. Bien sûr Capitale du puissant Venad, au IXè siècle apr. J.-C. à l’ère Malayalam… Mais Nous, on est venu pour les BACKWATERS ! Et d’où nous sommes, nous y trempons carrément les pieds…
C’est quoi, ces eaux à l’arrière de la mer, ces BACKWATERS ? Un incroyable lacis d’environ 1500 kilomètres de canaux, lacs et lagunes, cours d’eau totalement enchevêtrés.
Quand on regarde une carte, on s’aperçoit qu’une quarantaine de fleuves et autres rivières descendent des montagnes, les Ghâts occidentaux, vers la côte organisant sur ces plaines alluviales un labyrinthe liquide spectaculaire.
Notre première sortie en barque sera pour la perle tapie dans ce labyrinthe : l’ile de Munroe ensemble de presqu’îles formées autour du lac Ashtamudi, lui-même alimenté par la rivière Kallada.
C’est dans ces barques (vallam) que nous plongeons dans l’incroyable lacis de canaux se frayant un passage parfois bien étroit dans une végétation luxuriante, clairement dominée par les palmiers et les cocotiers.
Nous quittons les canaux larges, animés, ouverts sur le village pour d’authentiques chemins d’eau, sentiers, même…
On peut imaginer aisément dans le silence du glissement sur ces eaux étales, à peine altéré par le mouvement de la perche du piroguier : oiseaux, passants sur les rives, cris d’enfants, maisons enfouies dans les frondaisons exubérantes, hameaux parfois, jeux de lumière dans le soir qui tombe, paysans de retour pagayant dans leur barque, pêcheurs à la nasse, immergés jusqu’aux épaules, au cou parfois .…
On peut voir ci-dessous, grâce à l’éclairage entrant à gauche, l’assemblage des planches du vallam . C’est la technique utilisée quelle que soit la taille de l’embarcation : les planches sont «cousues » ! Perforées, assemblées et colmatées par ce joint de fibre de coco rendue imputrescible par une décoction spéciale.
Nous nous enfonçons plus encore dans ce dédale, de plus en plus désert, une maison apparaissant paraît même incongrue dans cet empire végétal aquatique souverain.
Au détour, un jeune couple, simples promeneurs romantiques dans la lenteur de la barcarolle sous les frondaisons ! «Vous êtes si jolis mais la barque s’éloigne…»
Pour beaucoup de cette population, la barque reste le principal moyen de transport.
Le piroguier manie la perche avec précision et lenteur pesant parfois de tout son poids, quelques barques à pagaie plus petites nous croisent.
Cette jolie maison – aux belles tuiles dans un univers d’habituels toits de tôle – divinement intégrée dans son biotope mais désormais vidée de ses occupants et exempte de toute trace de vie vient nous rappeler les graves et douloureuses inondations à répétition qui ont affecté en 2018, 2019, 2020 l’ensemble du Kerala endommageant plus de 25000 maisons, détruisant une vingtaine de ponts et 12000 km de routes.
Sans compter les morts nombreux dans cet état le plus densément peuplé !
Il est vrai que les Backwaters par leur incroyable système de vases communiquant avec un terminal dans l’océan proche s’auto protègent de toute montée intempestive des eaux, mais les très fortes pluies de la mousson ont endommagé et les habitats et les réseaux d’eau, téléphone, électricité. Si bien qu’il est probable nous confirme Preeti, notre guide, que ces demeures resteront à tout jamais inhabitées. D’autant qu’aucun jeune ne veut pas/plus s’installer ni vivre ici. Dans un tel endroit OUF !
Le soir tombe sur ces canaux désormais désertés, la lumière descend vite, bien vite. Incroyable ces capteurs : 100 Iso, 1/15è. Oui, je sais, ça se voit !!!
Nous arrivons au lac Ashtamudi, des pêcheurs au filet (épervier) travaillent encore, espérant quelques dernières prises. Pour le coup, il faudra maintenant monter les Iso !
Et le ciel plutôt grisaillou va réussir à nous gratifier, d’un somptueux couchant, quasi inespéré.
Inutile de préciser que le retour se fit dans la nuit noire et curieusement fort silencieuse, aucun bruit d’aile, aucun plouf, aucun criaillement sous les palmes, seule la perche plongeant régulièrement dans l’eau, avec ce petit bruit de ruissellement caractéristique quand le piroguier la retirait. Une seule certitude nous traversait : il fallait connaître ce dédale à la perfection pour nous ramener au rivage du départ.
Voilà que sur la route du retour, nous traversons un village en pleine festivité avec enseignes lumineuses, spectacle de lutte au bâton, étals aux denrées énigmatiques
Et déjà, ces visages ouverts et bienveillants qui ne cesseront de fasciner le photographe tout au long du périple au KERALA.