VAVAL & Compagnie
Mais qui est donc ce Vaval, sa Majesté Vaval ? roi du carnaval juché sur un camion-char, promené à travers la ville, qu’on accompagne et qu’on acclame pendant 3 jours et … qu’on brûle vilainement à la tombée de la nuit le mercredi des Cendres ? Comme un simple hérétique ! Sans Requiem !
Il est opportun de se souvenir que déjà, dans les Carnavals de Saint Pierre, le Paris des Antilles du XIXè siècle, un mannequin de chiffon, de paille et de carton, le «bwa bwa» porté au bout d’un long bâton était longuement promené à travers la ville. Souvent il représentait peu ou prou une personne bien connu de la société pierrotine qui avait défrayé la chronique par quelque scandale, et, afin que l’on ne se méprenne pas sur l’identité du pantin, on prenait soin de l’affubler de tous les habituels accessoires de la victime désignée à la vindicte : vêtements, chapeau, objets divers etc. Il finissait enterré, brûlé ou jeté à la mer… Pendant que la vraie victime n’avait plus qu’à se terrer et disparaître de la surface sociale.
C’était an tan lontan, aujourd’hui, sa majesté Vaval, qui a repris le symbole du «bwa bwa» est donc un géant bricolé et promené à travers la ville pendant les trois jours sur une plate forme de camion. Sa représentation est directement liée à un événement, une déconvenue, une «affaire», un scandale et le personnage peut n’être que symbolique, ainsi cette année, Papa Varyan : virus de la Covid, antérieurement le Chlordécone, ce produit largement épandu dans les bananeraies depuis des décennies et qui a empoisonné tous les sols et rivières de la Martinique… Plaçant, entre autre, la Martinique au premier rang mondial ( j’ai bien dit ! ) des cancers de la prostate !
En 2018 sont tournés en dérision les avatars du TCSP ces Bus à Haut Niveau de Service qui n’en finissent pas de ne jamais être mis en circulation à Fort de France.
Mais il peut aussi dénigrer une personne réelle, ainsi ci-dessous le Vaval 2016 représente ce professeur de l’Université Fred CELIMENE, patron du laboratoire de recherche, CEREGMIA, de l’Université Antilles Guyane qui pendant 20 ans a détourné 14 millions sous couvert de recherches universitaires : représentation de l’escroc outrancièrement bagousé, les poches de sa redingote rouge débordantes de billets de banque.
Ici, le Vaval 2017 fait référence à un discours très controversé de Nicolas Sarkozy sur l’assimilation, dans un meeting, en approche de la Présidentielle : « Nous ne nous contenterons plus d’une intégration qui ne marche plus, nous exigerons l’assimilation. Dès que vous devenez français, vos ancêtres sont gaulois. » Et TOC !
Mais certains trouvent de plus en plus édulcorées les charges, censées être explosives, du Vaval, devenu plus politiquement correct, à mille lieues des vrais griefs martiniquais et, asservissement suprême, financé par l’argent public, rendant toute subversion quasi impossible. Comprenez que l’on plaide de plus en plus pour un réel retour au «bwa bwa» d’antan, plus ancré, plus savoureux et … plus féroce aussi ! Mais plus VRAI !
Et plus conforme au message carnavalesque : jubilation, contestation et inconvenance.
Contrairement à la plupart des carnavals dans le monde, il y a ici très peu de chars qui défilent à la manière traditionnelle courante des carnavals cossus. Ici pas de chars opulents et fastueux ! Ce sont des groupes à pied, dûment costumés et accompagnés d’orchestres qui paradent en arpentant les artères de Fort de France. Souvent suivis de quelques véhicules modestes et chichement parés.
Dans les années régulières chaque groupe, comité, association ou quartier choisit ses thèmes et prépare méticuleusement ses costumes avec la sponsorisation (bien faible !) de quelques grandes marques de l’île : la bière Lorraine, les moulins, les distilleries, les grandes enseignes voire de modestes entreprises en quête de publicité etc. et quelques municipalités bienveillantes.
Touchantes et amusantes, toujours raffinées et colorées à souhait, ces parades des groupes à pied témoignent de l’intense activité des mains des couturières et des « designers » locaux et leurs bricoleurs de génie.