ALAPPUZHA, ville flottante (2)
Première rencontre avec les kettuvallam, de kettu (lier) et vallam (bateau) en malayalam, la maison flottante composée d’une coque en planches de bois ( toujours liées avec de la fibre de coco ) et d’un toit de paille de riz.
Nous glissons sur de petits canaux, parfois totalement envahis de jacinthes, la plaie de ces chemins d’eau. Nous rapprochant des berges animées.
Spectacle continu des rives où cheminent cyclistes, pêcheurs, enfants quittant l’école, mères qui vont chercher les plus jeunes, femmes lavant le linge ou faisant les courses ou la vaisselle, toilette familiale …
Cette Vie domestique nous apparaît apaisée, étale, rendue sans doute plus douce par la présence de l’eau, du double silencieux du réel qu’elle génère en ses reflets et l’absence de véhicules furieux pétaradants et polluants dont le tsunami quotidien envahit tant de villes indiennes. Ici on marche à pied ou à bicyclette au bord de l’eau ou dans les chemins creux et ombrés.
En arrière plan, barrant l’« horizon », deux Chundan Vallam, l’imense bateau-serpent avec sa poupe dressée comme la tête d’un cobra, pensé par le seigneur Krishna soi-même !
Il emporte une centaine d’hommes dont… une quinzaine de chanteurs pour donner et maintenir le rythme, lors des extraordinaires fêtes d’Aranmula où se déroulent ces régates : le Vallamkali
Nous voilà de retour sur la rivière Pamba où circulent de nombreux et fumants kettuvallams agitant les moires des eaux grasses et zébrées.
Jadis utilisés pour transporter le riz, les épices et les noix de coco, entre la région du Kuttanad et le port de Kochi, on peut comprendre que le réseau réseau routier, ferroviaire voire aérien a eu raison de ce transport de marchandises déclaré trop lent et quelque peu désuet pour affronter le vertigineux siècle de la vitesse.
Qu’à cela ne tienne, on va s’adapter aux… demandes touristiques !
Dans les années 1990, quelques malins ont bricolé les kettuvallams en bateaux-logements mais sympas, rustiques avec des lampes à pétrole pour s’éclairer, bref, perspective d’une aventure originale assurée, romantique à souhait qui a attiré peu à peu de nombreux touristes sur le lac Vembanad et les canaux.
Alors, la fièvre s’est répandue.
On a haussé le toit, on a ajouté sur la coque courbe un plancher droit. On y a créé des pièces : cuisine, chambres, salon, toilettes. On y a aménagé un balcon sur l’eau, des terrasses sur le toit, ouvert des fenêtres, des portes même et le kettuvallam est devenu le House Boat, largement motorisé sans parler des équipements, télé, sono, clim obligatoire évidemment.
Vous pouvez monter sur le pont, y admirer à loisir lever et coucher du soleil, déguster de somptueux repas locaux préparés à bord et siroter continûment votre toddy (boisson alcoolisée à partir de la sève du cocotier). Sans compter l’inévitable massage. Et parfois même, le SPA. Bref, le LUXE total !
Il y en aurait 1400 et on peut en voir des centaines à «admirer» de concert le coucher de soleil à Allappuzha
MAIS … les déchets de cuisine et eaux usées ??? La pollution des moteurs au fioul lourd ??? Aïe aïe ! Problèmes pour cette industrie du bateau-maison, qui génère une grande partie des recettes touristiques de l’État et affecte quelque 1,5 million de personnes (sic !) travaillant dans ce secteur.
Nous voilà de retour at home dans notre magnifique et paisible demeure historique. Emerald Isle. Et son joli jardin.
Et voici le hâvre de grâce, toujours à Emerald Isle qui a servi de cadre à la carte de Bonnes Fêtes que certains d’entre vous ont reçu cette année. Avec la complicité de Photoshop bien entendu.