AUBRAC : La Vache et le Territoire (2)
Inébranlablement plantée dans ce basalte d’avant les mondes, les cornes arrimées au ciel du monde, elle a résisté, elle a survécu et… sauvé l’Aubrac. Hommage soit rendu aux familles d’éleveurs opiniâtres d’Aveyron, du Causse, de Lozère et même du Cantal (où pourtant, la Salers est prédominante) ! S‘il ne faut retenir qu’un nom pour ce sauvetage acharné de la belle Aubrac c’est bien celui d’André Valadier et son « couradge caput ».
Comment omettre tout ce que l’homme doit ici à ces bêtes et depuis si longtemps : le patrimoine bâti et le fonctionnement de cette société ? Il n’est pas un seul de ces beaux édifices de granit ou de basalte qui ne doivent ici son existence à la Reine Aubrac et les représentations de l’animal mythique et salvateur émaillent la plupart de ces villages aux populations reconnaissantes.
Le dernier hommage en date, pas forcément le plus réussi est celui de Nasbinals...
Majestueux taureau de bronze sur la place du Foirail, à Laguiole. Créée par Georges Guyot, la sculpture est devenue l’emblème de la ville depuis 1947. Hommage appuyé s’il en est à la race Aubrac d’autant que c’est un vrai taureau d’un éleveur du hameau d’Auriac, qui servit de modèle au sculpteur.
On pourrait penser que la Vache, ses éleveurs et l’Aubrac ont retrouvé après les tourmentes du XXème siècle un nouvel équilibre tranquille, une sérénité à défier les siècles avenir.
Mais voilà que survint Natura 2000 ! Natura 2000, Qu’es aquò ? toujours pareil ! Quelques écolos-bureaucrates hors-sol rêvent de faire de l’Aubrac un écomusée à ciel ouvert, et sont plus sensibles à la survie du campagnol qui ravage les silos de grains qu’à celle des humains, les agriculteurs du pays, selon les discours convenus et hégémoniques du prétendu sauvetage de la planète.
Nouvelle colère paysanne et manif le 29 juillet dernier à Nasbinals. Eh oui ! Les touristes en viendraient presque à oublier l’existence de ces autochtones un tantinet bouseux !
Le classement en zone Natura 2000, ne devait initialement engendrer aucune contrainte obligatoire. Les agriculteurs découvrent maintenant et bien entendu sans la moindre concertation, qu’une grande partie des surfaces de leur exploitation sont classées en prairies sensibles.
Depuis 2015, la profession demande à être entendue sur ce sujet. En 2023, l’acharnement d’écolos-technocrates ronds-de-cuir continue avec plus de 23 000 ha supplémentaires classés en prairies sensibles.
Mais que reprocher à cette douce expression quasi poétique et … pourquoi se crisper ?
En vérité, ce classement en prairies sensibles signifie pour les agriculteurs l’interdiction totale de labourer ces terrains avec donc un gros déficit prévisible dans la production fourragère, nerf de l’élevage bovin durant la longue stabulation hivernale.
On a souvent l’impression que ces projets finalement ne visent – sous bonne conscience écologique, née de la dernière pluie dans ces espaces d’équilibre millénaire – qu’à vider ces lieux de tout humain, espèce gênante, pour en faire un musée à touristes promeneurs, ce qui devrait d’ailleurs se faire sans peine vu le vieillissement avéré de la population et le désintérêt de la jeunesse. Et la dictature écolo-bureaucratique ne semble avoir pour seule préoccupation que d’écraser le bon sens et les libertés locales ! Dur Dur !
Mais voici que le soleil baisse sur les alpages, des nuées menaçantes de l’automne s’accumulent, les gelées blanches apparaissent, l’octobre arrivant sonne le chemin du retour dans les étables basses. Loin de l’étoffe herbeuse des hautes collines ! Et des longs cheminements sans entraves !
Si la Davalada n’a pas la solennité fiévreuse de la Mountada, elle reste un grand prétexte – pour les humains – à randonner en bande, apprendre à danser quelques bourrées, et bien entendu à consommer euh ! déguster les inévitables produits du terroir (euh ! Pas tous ! ) Et partager le tout aussi inévitable aligot. Tout cela organisé par quelques Offices du tourisme.
Mais la descente ne sonne pas fatalement la fin du vagabondage buissonnier et l’enfouissement hivernal dans les étables obscures. Plus bas dans les prés de fauche, la belle Aubrac pourra encore goûter l’intermittent soleil d’automne et l’herbe fraîchement surgie des dernières pluies. Comme ici à Prades d’Aubrac.