L’AUBRAC ou la mémoire de l’eau
Si le roc, le minéral puissant, jailli du Feu des volcans, raboté et charrié par la Glace est omnipesant et tenace sur l’Aubrac, ruines titanesques, écloses d’un printemps tellurique hallucinant, le voyage en Aubrac révèle en tous lieux la présence, la mémoire, la célébration de l’EAU dans ses murmures ou ses jaillissements.
Déjà il y a cette frontière d’eau ceinturant le plateau : la Truyère au nord et à l’ouest, le Lot (l’Olt) au sud, certains ajouteraient la Colagne à l’est, mais, sans être chauvin, laissons la Colagne à Marvejols et à la Lozère orientale …, l’autoroute A 75 a tranché et suffit à assurer la frontière est de l’Aubrac : Irréfutable.
C’est sûr qu’il y a eu surabondance d’eau, au dégel de la calotte de glace qui recouvrait le plateau. (Eh oui, c’est pas nous, qui avons inventé le réchauffement climatique ! ) Certains lacs sont demeurés pour nous le raconter. Quatre lacs naturels sont le résultat d’un surcreusement glaciaire : Born, Saint-Andéol, Salhiens et Souveyrols.
Situé à 1225 m d’altitude, il est le plus grand des lacs naturels le plus beau, le plus photogénique. Le plus étrange, aussi ce lac de Saint Andéol, lac glaciaire de 11 hectares installé dans un ancien cratère (Hum ! ça se discute !).
Aux rives désertes et nues exceptée la sentinelle inoxydable (?) du Sorbier …
Des fouilles réalisées dans les années 1950 ont exhumé de biens curieux témoins : fragments, pièces, statuettes. Des rites, des rogations ? un culte tenace ? Et païen évidemment, de surcroît ? Vite ! Plantons là une croix pour dissiper la ténèbre 🤪 et sur le fanum svp !
🔎 Saint Grégoire de Tours dans son « Histoire Ecclésiastique des Francs » note : « Depuis un temps immémorial se réunissaient sur les rives, chaque année, le deuxième dimanche de Juillet, entre 4000 et 5000 personnes, pour adorer le dieu des eaux, se baigner, festoyer et jeter dans le lac des denrées comestibles, la fourme, les toisons de moutons, des pièces de cuivre, d’argent et d’or. »
Quelques fragments de bois plus ou moins incisés furent aussi trouvés, datés entre 900 et 650 av. J.-C. Il n’en fallait guère plus pour générer et nourrir la légende de la ville engloutie… et redonner tout son mystère au Lac.
D’ailleurs, nous confirmons qu’au bas de cette conque, des rumeurs montent des eaux et des sonnailles clarinent … 🤪
Andéol, apôtre du Vivarais (né à Smirne !!!). On reste toujours ému, petit minable voyageur, de ces immenses voyageurs d’antan, arpenteurs de planète avec des moyens de locomotion inexistants ou fort rudimentaires en regard des distances parcourues. S’en vint donc Andéol au lac sacré dans l’intention de mettre fin à ces pratiques païennes. In-sup-por-ta-bles. Il construisit alors une chapelle dédiée à Saint-Hilaire, aux ruines encore visibles près du Buron Saint-Andéol, pour les seusses-qui-sçavent .
Rien n’y fit, jusqu’au XIXème siècle, mais OUI ! On y vint frénétiquement jeter des offrandes et y pratiquer des cérémonies (païennes bien entendu 🤪.
N’empêche, cette magnifique flaque ultramarine que la lumière du ciel irrigue et module en permanence, du rose tendre au bleu profond est un spectacle permanent à toutes les heures du jour et toutes les saisons de l’année. Et, je n’ai pas parlé des nuits d’encre étoilées ! Vive le Caracol 🤪
Bien belle petite flaque aussi ( 4 hectares ), ce lac des Salhiens, aux berges marécageuses
On peut voir que son trop plein forme un cours d’eau, la Gambaïse qui court se précipiter vers la Cascade du Déroc.
Souvent aussi, il répète en son étendue bleue les sonnailles des clarines des vaches de la ferme des Salhiens.
Lac de Born (Dieu des Eaux)
Comme les trois autres lacs naturels de l’Aubrac, il s’agit d’un lac de surcreusement glaciaire, situé à 1 260 m d’altitude.
Notre Mère-informatrice préférée W…A note cette bizarrerie plaisante : « En 1526, les moines de la Domerie d’Aubrac viennent en aide à François 1er pour payer une rançon due aux Italiens après la défaite de Pavie. En signe de reconnaissance, le roi aurait fait remplir le lac de carpes pour que les habitants puissent profiter de cette pêche. »
En vérité François 1er lança le premier vrai emprunt public en 1535, sous la forme d’une rente perpétuelle, que lui-même et son fils Henri II auront bien du mal à honorer. Or donc, le clergé fut mis à contribution (Si-faict !), et comme on le voit, jusqu’au fin fond des campagnes… pour éviter la banqueroute de l’Etat. Quel grand roi tout de même ! Qu’attend-on diable, pour l’imiter ?
NB : On ne peut, Doudoue et moi évoquer le Lac de Born sans omettre le souvenir de cette magnifique et si goûteuse entrecôte accompagnée d’un retourtiliat (pommes de terre rissolées dans du lard avec de la tome fondue, de l’ail et du persil, tout cela accompagné d’un Marcillac ! au Buron du lac de Born, tenu par un surgeon de la dynastie des Bastide.
A faire damner un Vegan ! Attention! On a voulu y revenir récemment ! Archi-archi complet !
Notez notre Caracol sur le parking. Et seul !!!
Le lac des Moines, près du village d’Aubrac, sous un ciel printanier bien chargé.
Le plus petit, le lac de Souveyrols, bordé de tapis de sphaignes («mousse» formant des coussins verts gorgés d’eau), donc aux rives inapprochables. Et ce ne sont pas les panneaux d’interdiction qui manquent !
D’autres lacs émaillent ces étendues fauves ou vertes telle cette petite bulle d’eau du Lac des Picades.
Ce lac des Picades au fond de la vallée du ruisseau des Mousseaux, qui l’alimente, curé, remis en état et réouvert tout récemment attire des foules de pêcheurs et promeneurs
Ce lac reste le vestige notable des activités moyenâgeuses utilisant les cours d’eau puisqu’il permettait de réguler le débit du ruisseau des Mousseaux, (qui prend sa source vers le rocher de Campiels, vous savez bien, l’observatoire des détrousseurs de pèlerins !) afin de faire fonctionner une forge à martinet qui «piquait « (d’où Picades), c’est à dire martelait le fer, entraînée par une roue à aube. Un atelier de verrerie était aussi installé en amont…
Situé sur le passage du ruisseau du Pesquio, l’étang de Bonnecombe est lui aussi objet de tourisme et de pêche à la truite arc-en-ciel.
A noter que ces lacs sont entourés de tourbières et de zones marécageuses précieuses.
Nombreuses sur l’Aubrac, sont les tourbières, qui se sont développées dans les dépressions laissées par l’érosion glaciaire après la fonte des glaces. Et précieuses, car gorgées d’eau elles jouent un rôle « d’éponge » accumulant l’eau en période pluvieuse et la restituant à la rivière en période sèche, sans compter toute la biodiversité qu’elles abritent.